20 Minutes (Strasbourg)

Cancer, sexe et reconstruc­tion de soi

Se réappropri­er son corps après la maladie est primordial, mais peu évident

- Oihana Gabriel

En 2012, Cécile a appris qu’elle était atteinte d’un cancer du péritoine. Aujourd’hui, même si les douleurs, les traitement­s et la fatigue sont derrière elle, la trentenair­e subit toujours les séquelles de la maladie : une longue cicatrice sur le buste et, surtout, une vie intime non retrouvée. « Dans le regard de mon conjoint, je ne vois pas que je le dégoûte… Mais j’ai du mal à y croire», confie la jeune femme. Un cas loin d’être isolé.

L’enquête nationale sur les conditions de vie cinq ans après le diagnostic de cancer (Vican 5), dévoilée mercredi par l’Institut national du cancer (Inca), s’est penchée, notamment, sur un aspect de la reconstruc­tion longtemps omis : la vie sexuelle. «Plus de la moitié des patients rapportent une diminution de la libido, de la fréquence des rapports et de la capacité à avoir un orgasme », indique Lionel Lafay, épidémiolo­gique à l’Inca.

Des chirurgies de la prostate et de la vessie peuvent en effet provoquer des troubles de l’érection. Quant au cancer du sein, même s’il n’y a pas ablation, « enlever la tumeur peut modifier la sensibilit­é du mamelon, précise Nasrine Callet, gynécologu­e et oncologue à l’Institut Curie. Une chirurgie gynécologi­que ou encore de la radiothéra­pie peuvent aussi rendre le vagin plus sec.»

Perdre ses sourcils, ses cheveux, un sein, du poids, peut attaquer durablemen­t, entre autres, l’estime de soi. Selon l’enquête, 35% des patients se sentent moins attirants à cause de leur cancer et des traitement­s. Sans compter que, «pendant l’hospitalis­ation, on est un peu exposées, on doit mettre notre pudeur de côté, renchérit Cécile. Il faut retrouver une intimité avec son conjoint alors que tout le monde a vu notre intimité.» L’étude montre aussi qu’«une partie des patients a besoin d’une prise en charge dans ce domaine, encore rare aujourd’hui, souligne Sarah Douchy, psychiatre à l’Institut Gustave-Roussy. Or, même si la plupart des soignants pensent qu’il faut aborder cette question, très peu se sentent formés et un quart le fait spontanéme­nt.» Côté patientes, «certaines n’osent pas en parler, parce qu’elles se disent : “J’ai survécu, je ne vais pas me plaindre de ma sexualité!”» déplore Nasrine Callet. Pourtant, « la sexualité après la maladie permet de se reconnecte­r à la vie, souligne Cécile. Elle est forcément différente, parce qu’on a changé, mais c’est une partie importante de la vie de couple.» Dans tous les cas, le dialogue est primoridal : avec son partenaire, un médecin, ou des personnes extérieure­s, comme dans le groupe de parole de la Maison des patientes de l’Institut Curie.

« Il faut retrouver une intimité avec son conjoint alors que tout le monde a vu notre intimité. »

Cécile, ex-malade

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Un tiers des patients se sentent moins attirants à cause de leur cancer.

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