Cancer, sexe et reconstruction de soi
Se réapproprier son corps après la maladie est primordial, mais peu évident
En 2012, Cécile a appris qu’elle était atteinte d’un cancer du péritoine. Aujourd’hui, même si les douleurs, les traitements et la fatigue sont derrière elle, la trentenaire subit toujours les séquelles de la maladie : une longue cicatrice sur le buste et, surtout, une vie intime non retrouvée. « Dans le regard de mon conjoint, je ne vois pas que je le dégoûte… Mais j’ai du mal à y croire», confie la jeune femme. Un cas loin d’être isolé.
L’enquête nationale sur les conditions de vie cinq ans après le diagnostic de cancer (Vican 5), dévoilée mercredi par l’Institut national du cancer (Inca), s’est penchée, notamment, sur un aspect de la reconstruction longtemps omis : la vie sexuelle. «Plus de la moitié des patients rapportent une diminution de la libido, de la fréquence des rapports et de la capacité à avoir un orgasme », indique Lionel Lafay, épidémiologique à l’Inca.
Des chirurgies de la prostate et de la vessie peuvent en effet provoquer des troubles de l’érection. Quant au cancer du sein, même s’il n’y a pas ablation, « enlever la tumeur peut modifier la sensibilité du mamelon, précise Nasrine Callet, gynécologue et oncologue à l’Institut Curie. Une chirurgie gynécologique ou encore de la radiothérapie peuvent aussi rendre le vagin plus sec.»
Perdre ses sourcils, ses cheveux, un sein, du poids, peut attaquer durablement, entre autres, l’estime de soi. Selon l’enquête, 35% des patients se sentent moins attirants à cause de leur cancer et des traitements. Sans compter que, «pendant l’hospitalisation, on est un peu exposées, on doit mettre notre pudeur de côté, renchérit Cécile. Il faut retrouver une intimité avec son conjoint alors que tout le monde a vu notre intimité.» L’étude montre aussi qu’«une partie des patients a besoin d’une prise en charge dans ce domaine, encore rare aujourd’hui, souligne Sarah Douchy, psychiatre à l’Institut Gustave-Roussy. Or, même si la plupart des soignants pensent qu’il faut aborder cette question, très peu se sentent formés et un quart le fait spontanément.» Côté patientes, «certaines n’osent pas en parler, parce qu’elles se disent : “J’ai survécu, je ne vais pas me plaindre de ma sexualité!”» déplore Nasrine Callet. Pourtant, « la sexualité après la maladie permet de se reconnecter à la vie, souligne Cécile. Elle est forcément différente, parce qu’on a changé, mais c’est une partie importante de la vie de couple.» Dans tous les cas, le dialogue est primoridal : avec son partenaire, un médecin, ou des personnes extérieures, comme dans le groupe de parole de la Maison des patientes de l’Institut Curie.
« Il faut retrouver une intimité avec son conjoint alors que tout le monde a vu notre intimité. »
Cécile, ex-malade