La cordée fait du surplace
Emmanuel Macron a vanté la bonne santé des « premiers de cordée » comme une condition nécessaire à la réussite du pays. Mais, à l’arrière, le taux de pauvreté stagne.
Le gouvernement doit espérer que la semaine se termine. En plus du remaniement qui se fait attendre (lire ci-dessous), on se questionne sur sa politique menée contre les inégalités. Mardi, l’Insee annonçait que le taux de pauvreté en 2017 était resté stable (autour de 14 % de la population), notamment en raison de mesures défavorables aux ménages modestes, comme la baisse des 5 € d’APL. Jeudi, l’Observatoire des inégalités publiait lui aussi un rapport sur l’état de la pauvreté. «L’élitisme social français laisse trop de concitoyens sur le bord de la route (…). Ceux qui pensent qu’on en fait trop, que l’on doit s’extasier sur une poignée de “premiers de cordées”, doivent l’assumer clairement », assénaient les auteurs, reprenant une métaphore d’Emmanuel Macron. Le 15 octobre 2017, en pleine explication de sa politique fiscale, le chef de l’Etat avait lâché : «Pour que notre société aille mieux, il faut des gens qui réussissent (…). Si on commence à jeter des cailloux sur les premiers de cordée, c’est toute la cordée qui dégringole.» Il défendait deux mesures d’allègement fiscal : la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune et la création de la «flat-tax». Un an plus tard, les premiers de cordée ontils joué leur rôle ? Les économistes sont divisés.
Prenons la « flat-tax » : la semaine dernière, Les Echos révélait qu’elle a incité les entrepreneurs… à se verser plus de dividendes. Pour Rayan Nezzar, qui enseigne l’économie à ParisDauphine et qui a participé à l’élaboration du programme économique d’Emmanuel Macron, ce n’est pas un mauvais signal. «Le niveau des dividendes revient à celui d’avant-crise, c’est un signe de reprise économique. Par ailleurs, on ne peut pas juger, au bout de quelques mois seulement, l’effet d’une mesure fiscale.»
Sur le « long terme »
Dans une note fin septembre, la Fondation Jean-Jaurès estimait cependant que la réforme de la fiscalité ne mènerait pas à un accroissement significatif de l’épargne, censée alimenter l’investissement. « Si les ménages concernés épargnaient intégralement les réductions d’impôt, cette réforme engendrerait 4,5 milliards d’euros d’épargne supplémentaire, note le think-thank classé à gauche. Il s’agirait d’un surcroît d’épargne (0,3 point) relativement modeste au regard des fluctuations habituelles du taux d’épargne. » Autre problématique : les auteurs remarquent que « tous les placements financiers sont favorisés par la réforme, et pas seulement ceux destinés au renforcement des fonds propres des entreprises ». En clair, ceux qui détiennent des obligations ou de l’or sont aussi avantagés que ceux qui veulent investir dans les PME. Pour Eric Pichet, professeur à Kedge Business School, « la stratégie de Macron va porter ses fruits à moyen et long terme, car c’est une stratégie de compétitivité fiscale internationale.» Le chef de l’Etat a d’ailleurs promis de faire de la réduction des inégalités « sa priorité » lorsque la France prendra la tête du G7 en 2019. Oxfam en doute. Dans son rapport, l’ONG note que «la protection sociale universelle et les retraites sont remises en cause (…). La France pourrait dégringoler dans le classement relatif aux dépenses sociales. »