Drôles de particules contre le cancer
Le projet Cyrcé aide depuis dix ans à cibler et traiter les tumeurs avec précision
L’accélérateur de particules strasbourgeois est bien caché. Destiné à produire des éléments radioactifs pour mieux cibler et soigner, entre autres, les cancers, ce cyclotron est entouré de mètres de béton sur le campus du CNRS à Cronenbourg. Sas, surchaussures, contrôle des radiations, la sécurité est grande. Depuis 2013, Cyrcé, son doux nom, tourne une centaine de jours par an
« Ça permet de cibler une zone sans toucher les tissus sains à proximité. »,
Pr Patrice Laquerriere
à une vitesse proche de la lumière. Il fabrique ainsi des particules à la radioactivité faible. Fixées sur des molécules, elles servent ensuite dans le domaine médical. Certaines sont déjà utilisées sur l’Homme à l’hôpital. D’autres sont en phase de test, sur des souris, notamment. Le projet vise d’abord à penser l’imagerie médicale de demain (déjà initiée), par radioactivité (et appelée TEP). En cancérologie ou neurologie, c’est un moyen de mieux visualiser ce qu’il se passe dans le corps. Afin de trouver les cellules cancéreuses et connaître leur état. « Une radiographie est moins précise car les rayons X continuent au-delà de la zone ciblée », compare ainsi le professeur Patrice Laquerriere.
Au sein de l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien de l’université, son département va plus loin encore. En irradiant aussi des tumeurs par ce même processus, moins impactant que la radiothérapie. « Cela permet de cibler uniquement une petite zone et d’éviter de toucher les tissus sains autour et d’entraîner des cancers radio-induits », ajoute Patrice Laquerriere. Nommée protonthérapie,
la technique est utilisée pour des cancers oculaires ou dans la nuque, afin d’éviter de toucher la moelle épinière (à Nice, Caen et Orsay). Egalement en pointe, le service de médecine nucléaire du CHRU de Nancy pourrait s’y mettre bientôt. Co-fondée par le chef de ce dernier, l’entreprise Nancyclotep va d’ailleurs s’installer à côté du cyclotron strasbourgeois (un des deux seuls consacrés à ces recherches en France). Pour traiter plus de patients par ce biais. Car les chercheurs alsaciens ont avancé sur de nouveaux traceurs radioactifs, d’une durée de vie plus longue. Pour que ces particules soient plus utiles, et qu’elles puissent être transportées plus loin. Mais avec précaution, dans des centimètres de plomb.