Pour lutter contre le réchauffement de la planète, le Japon cherche à mieux isoler ses habitations
C P 24 Au Japon, l’amélioration de l’efficacité énergétique des maisons est l’un des défis à relever
Près du célèbre carrefour de Shibuya, à Tokyo, un quartier modèle est sorti de terre. Modèle, car constitué d’une quinzaine de maisons d’exposition dites « zéro énergie », c’est-à-dire qu’elles produisent plus d’électricité qu’elles n’en consomment, tout en maintenant une température confortable toute l’année. Ce qui est loin d’être la norme dans l’archipel. Traditionnellement, les maisons y sont conçues pour supporter l’été japonais, extrêmement chaud et humide, avec un grand toit et une bonne circulation d’air, permettant de rafraîchir l’intérieur et d’éviter la moisissure. «L’hiver, en revanche, on a froid, car l’isolation est très mauvaise et qu’on chauffe uniquement dans la pièce où l’on se trouve», résume Taiji Imaizumi, architecte et président de l’association Japan Energy Pass. De fait, quand le chauffage représente plus de 60 % des dépenses énergétiques d’une maison française, la part est trois fois moins importante au Japon.
Ambitions revues à la baisse
Pour se réchauffer, les habitants prennent un bain brûlant le soir. Résultat, l’eau chaude représentait en 2012 14% des dépenses énergétiques d’une maison japonaise, deux fois plus qu’en France. «On pourrait se dire que l’isolation n’est pas une priorité pour économiser l’énergie, puisque, de toute façon, les gens chauffent peu. Mais c’est une erreur, note Masayuki Mae, maître de conférences à la faculté d’architecture de l’université de Tokyo. Une température trop faible a des conséquences sur la santé : le choc thermique quand on quitte son salon à 22 °C pour aller aux toilettes où il fait 10 °C peut provoquer des infarctus.» Chaque année, plus de 10 000 personnes en meurent au Japon. Conscient du problème, « le gouvernement recommande désormais d’allumer le chauffage plus souvent et plus longtemps», précise le chercheur, ce qui nécessite d’isoler davantage. L’habitat, dont les émissions de CO2 ont augmenté de 12 % entre 2005 et 2013 au Japon, est un thème important dans l’engagement du gouvernement contre le changement climatique. Peu avant l’Accord de Paris, les autorités se sont fixé l’objectif de réduire de 26 % les émissions de dioxyde de carbone du pays d’ici à 2030 par rapport au niveau de 2013, et de 39% celles des habitations sur la même période. Des standards d’isolation thermique ont été mis en place : obligatoires dans les seuls grands bâtiments non résidentiels, ils devaient le devenir pour l’ensemble des nouvelles maisons à partir de 2020. Mais la mesure risque d’être enterrée. La semaine dernière, le ministère du Territoire et des Infrastructures a en effet estimé qu’elle serait difficile à mettre en place comme prévu, seules 60 % des nouvelles habitations respectant ces normes à l’heure actuelle (chiffres de 2016). Le ministère note aussi que tous les constructeurs ne sont pas au fait des standards, et que le grand nombre de constructions (600000 par an) rendrait difficiles les inspections et les attributions de permis.