Jeanne Calment, un « symbole » à confirmer
Que Jeanne Calment ne soit pas la doyenne de l’humanité aurait peu d’incidences sur la recherche, pour le Dr Christophe de Jaeger
La remise en cause récente de l’âge de Jeanne Calment (la doyenne de l’humanité décédée à l’âge de 122 ans en 1997 à Arles) peut-elle changer le cours de la recherche sur l’espérance de vie humaine? De façon très marginale, répond le Dr Christophe de Jaeger, chargé d’enseignement à la faculté de médecine de Paris et auteur de nombreux ouvrages sur le vieillissement, dont Bien vieillir sans médicament (éd. du Cherche-Midi).
Comment avez-vous réagi à la publication des deux chercheurs russes qui met à mal la longévité de Jeanne Calment ?
Ma première réaction a été, comme la plupart de mes confrères, la surprise. Le dossier de Jeanne Calment était, pour nous, inattaquable, parfaitement étayé. En France, par exemple, les documents relatifs aux lieux et dates de naissance ou de décès sont bien conservés et nombreux. Toutefois, la lecture des arguments développés par les Russes – les photos ou les éléments manquant sur l’acte de décès d’Yvonne Calment, sa fille – nous amène à nous poser certaines questions.
Que représente Jeanne Calment pour la communauté scientifique spécialisée dans la longévité humaine ?
Elle est un symbole, une icône, un record et un événement exceptionnel. Elle représente l’illustration de l’espérance de vie maximale de l’espèce humaine.
Quelles conséquences les doutes émis par les chercheurs russes peuvent-ils avoir sur les travaux des spécialistes ?
Premièrement, rien ne permet de valider aujourd’hui la thèse de l’escroquerie, il faut donc rester très prudent. Mais il faut savoir si Jeanne Calment reste le symbole de cette longévité extrême ou non. En tant que scientifique, à partir du moment où le doute a été semé, j’ai envie d’obtenir une réponse. Ensuite, dans l’hypothèse où la longévité de Jeanne Calment serait fausse, cela ne changera rien à nos objectifs. Tous les scientifiques, gérontologues ou biologistes spécialisés dans la longévité travaillent au maintien, le plus long possible, de la santé humaine. Et, sur cet aspectlà, nous n’avons pas de référence en dehors de références animales ou sur des cultures cellulaires. Donc, les recherches continuent. Enfin, les doutes émis sur l’âge de Jeanne Calment ne doivent pas remettre en question la nécessité pour l’homme d’améliorer son état de santé. Il ne faut pas se contenter de se dire : «Je ne peux pas échapper à mon destin génétique. » On sait que ne pas fumer, avoir une activité physique régulière, faire attention à ce que l’on met dans son assiette et éviter l’alcool va jouer réellement sur notre état de santé et peu importe notre longévité liée au capital génétique.