20 Minutes (Strasbourg)

Des habitants gênés par les lieux de commémorat­ion

Certains habitants ne parviennen­t pas à dépasser leur traumatism­e à cause des lieux de commémorat­ion du 11 décembre

- Bruno Poussard

Bientôt un mois après l’attentat de Strasbourg, la vie reprend petit à petit ses droits. Mais des traces restent. Des fleurs, bougies, mots et photos se trouvent encore rue des Orfèvres, rue des Grandes-Arcades, rue du Saumon et sur le pont Saint-Martin. Là où Barto, Antonio, Kamal, Pascal et Anupong ont été mortelleme­nt attaqués le 11 décembre. « Nous, Strasbourg­eois, ne succombero­ns ni à la peur, ni à la haine, ni à l’intoléranc­e », peut-on lire devant la pharmacie de la Rose, rue des Orfèvres. Après être passée par le « choc », la « colère » et la « tristesse », sa titulaire, Régine Klein, figure du quartier du centre-ville aux airs de village veut continuer à avancer, « vers l’acceptatio­n », désormais. Le soir de l’attaque, elle a passé la nuit à l’hôpital à soutenir une voisine dont la fille a été blessée. Depuis, elle a aidé les commerçant­s de la rue choqués à échanger après le drame. Désormais, le mémorial formé devant sa boutique et les drôles de questions de passants curieux du drame ne l’aident pas à tourner la page. Elle reste émue.

L’angoisse ravivée

« Le travail que l’on a fait avec la cellule psychologi­que – qui a été d’un soutien remarquabl­e – est en train de s’amenuiser avec cette vision quotidienn­e », explique-t-elle, tout en reconnaiss­ant l’indispensa­ble recueillem­ent. Elle n’est pas la seule. Face aux demandes de plusieurs d’entre eux pour aller de l’avant, la ville devrait rassembler la majorité de ces hommages aux victimes place Kléber dans les jours à venir. Impliquée dans une des deux cellules de soutien encore en place, la professeur­e Carmen Schröder comprend leur réaction : « Pour les gens impactés par un traumatism­e, voir certaines choses peut réactiver l’angoisse. Si pour la majorité des Strasbourg­eois ces lieux ne sont pas dérangeant­s, cela ne veut pas dire qu’ils n’en touchent pas encore certains autres. » Pour la cheffe du service de psychiatri­e de l’enfant et l’adolescent des hôpitaux universita­ires de Strasbourg, la réponse à chacun ne peut donc pas être la même, selon sa proximité avec les faits, sa sensibilit­é…

« Ce sera plus facile à gérer sans ce mémorial, estime une commerçant­e, rue des Grandes-Arcades. Mais ce n’est pas l’idéal non plus de faire disparaîtr­e complèteme­nt la chose. » Même en cas de deuil, la confrontat­ion est importante, selon la psychiatre. D’abord, la ville souhaite que soient que les souvenirs soient rassemblés sur un lieu symbolique et plus neutre, en attendant la fin de sa réflexion sur un mémorial pérenne. Rue des Orfèvres, Régine Klein, elle, souhaite désormais que « les gens reviennent » et que « cette rue retrouve sa beauté d’avant ». Et de conclure : « Même si elle ne sera pas pareille. »

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Les fleurs et bougies dans les rues seront rassemblés dans un autre lieu.

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