Des habitants gênés par les lieux de commémoration
Certains habitants ne parviennent pas à dépasser leur traumatisme à cause des lieux de commémoration du 11 décembre
Bientôt un mois après l’attentat de Strasbourg, la vie reprend petit à petit ses droits. Mais des traces restent. Des fleurs, bougies, mots et photos se trouvent encore rue des Orfèvres, rue des Grandes-Arcades, rue du Saumon et sur le pont Saint-Martin. Là où Barto, Antonio, Kamal, Pascal et Anupong ont été mortellement attaqués le 11 décembre. « Nous, Strasbourgeois, ne succomberons ni à la peur, ni à la haine, ni à l’intolérance », peut-on lire devant la pharmacie de la Rose, rue des Orfèvres. Après être passée par le « choc », la « colère » et la « tristesse », sa titulaire, Régine Klein, figure du quartier du centre-ville aux airs de village veut continuer à avancer, « vers l’acceptation », désormais. Le soir de l’attaque, elle a passé la nuit à l’hôpital à soutenir une voisine dont la fille a été blessée. Depuis, elle a aidé les commerçants de la rue choqués à échanger après le drame. Désormais, le mémorial formé devant sa boutique et les drôles de questions de passants curieux du drame ne l’aident pas à tourner la page. Elle reste émue.
L’angoisse ravivée
« Le travail que l’on a fait avec la cellule psychologique – qui a été d’un soutien remarquable – est en train de s’amenuiser avec cette vision quotidienne », explique-t-elle, tout en reconnaissant l’indispensable recueillement. Elle n’est pas la seule. Face aux demandes de plusieurs d’entre eux pour aller de l’avant, la ville devrait rassembler la majorité de ces hommages aux victimes place Kléber dans les jours à venir. Impliquée dans une des deux cellules de soutien encore en place, la professeure Carmen Schröder comprend leur réaction : « Pour les gens impactés par un traumatisme, voir certaines choses peut réactiver l’angoisse. Si pour la majorité des Strasbourgeois ces lieux ne sont pas dérangeants, cela ne veut pas dire qu’ils n’en touchent pas encore certains autres. » Pour la cheffe du service de psychiatrie de l’enfant et l’adolescent des hôpitaux universitaires de Strasbourg, la réponse à chacun ne peut donc pas être la même, selon sa proximité avec les faits, sa sensibilité…
« Ce sera plus facile à gérer sans ce mémorial, estime une commerçante, rue des Grandes-Arcades. Mais ce n’est pas l’idéal non plus de faire disparaître complètement la chose. » Même en cas de deuil, la confrontation est importante, selon la psychiatre. D’abord, la ville souhaite que soient que les souvenirs soient rassemblés sur un lieu symbolique et plus neutre, en attendant la fin de sa réflexion sur un mémorial pérenne. Rue des Orfèvres, Régine Klein, elle, souhaite désormais que « les gens reviennent » et que « cette rue retrouve sa beauté d’avant ». Et de conclure : « Même si elle ne sera pas pareille. »