20 Minutes (Strasbourg)

Le spectre de la thèse du complot

Des parties civiles au procès de Mehdi Nemmouche dénoncent l’argument du piège, défendu par les avocats du Roubaisien

- Hélène Sergent

Jusqu’ici cantonnées au Web et à ses sites d’extrême droite, les thèses remettant en cause l’implicatio­n de Mehdi Nemmouche dans la tuerie du Musée juif de Bruxelles en mai 2014 vont-elles être exposées devant la cour d’assises de Bruxelles ? C’est ce que craignent certaines parties civiles à quelques heures de l’ouverture des débats, ce jeudi.

« Pseudo-attentat »

Un agent formé par les services secrets français pour lutter contre Bachar al-Assad, un «leurre» pour justifier le meurtre de deux espions israéliens, dès son arrestatio­n à la gare routière de Marseille, etc. Mehdi Nemmouche a fait l’objet d’innombrabl­es scénarios diffusés à l’envi par des sites complotist­es. Quatre ans après les faits, le Roubaisien de 33 ans, qui encourt la perpétuité pour l’assassinat de quatre personnes, clame son innocence et nie les faits qui lui sont reprochés. Interrogé à l’issue de la toute première audience, lundi, l’un ses avocats belges, Sébastien Courtoy, a déclaré : «C’est une épreuve pour lui évidemment d’être présent ici, mais aussi une chance (…). Ça fait maintenant quelques années qu’il brûle de pouvoir dire sa vérité. » Puis d’évoquer un « piège » tendu à son client pour commettre ce «pseudo-attentat», relate l’AFP. Selon Le Monde, les conseils de Mehdi Nemmouche auraient tenté, en vain, «d’obtenir le témoignage de plusieurs personnali­tés israélienn­es, dont d’anciens dirigeants du Mossad et des ambassadeu­rs».

Une « stratégie » qui horripile le Comité de coordinati­on des organisati­ons juives de Belgique (CCOJB), partie civile. «Je suis juriste et chacun a le droit de plaider ce qu’il veut, mais, en tant qu’homme et dirigeant communauta­ire, j’avoue que je suis écoeuré, confie à 20 Minutes le secrétaire général du comité, Henri Benkoski. Nous sommes dans le complotism­e le plus odieux, c’est de nouveau la faute des juifs, des Israéliens, du Mossad. C’est juste une façon de détourner la responsabi­lité de l’accusé. » Rien de très étonnant aux yeux de Patrick Charlier, directeur d’Unia, agence publique de lutte contre les discrimina­tions, autre partie civile dans ce procès : « La défense veut récuser le caractère antisémite de cet attentat, on s’y attendait. On connaît cesavocats, puisqu’ils défendaien­t l’humoriste Dieudonné lorsqu’il a été condamné en Belgique pour incitation à la haine. »

Si le CCOJB et l’Unia se disent «confiants» quant à la bonne tenue des débats – «les preuves sont nombreuses et la thèse de la défense, grossière », assène Henri Benkoski –, les attentes liées au procès restent nombreuses. «C’est le premier procès d’un suspect d’un attentat djihadiste récent et c’est le premier à plaider l’acquitteme­nt. Ce procès doit être exemplaire. »

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Mehdi Nemmouche est jugé pour la tuerie du Musée juif de Bruxelles en 2014.

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