La délicate enquête de l’affaire du viol au « 36 »
La police des polices regrette de ne pas avoir été saisie juste après les faits dans la nuit du 23 avril 2014
«Nous avons cherché à déterminer ce qu’il s’est passé dans les locaux de la BRI et nous avons cherché durant plusieurs années. » A la barre, la commissaire Nathalie Chaux a passé plusieurs heures, mardi, à expliquer et à défendre le travail des agents de l’IGPN (Inspection générale de la police nationale). La police des polices avait été saisie le 23 avril 2014, à 5h59, après qu’Emily S., une touriste canadienne de 38 ans, a déposé plainte. Elle affirmait avoir été violée durant la nuit par plusieurs membres de l’antigang, dans leurs bureaux situés au cinquième étage du 36, quai des Orfèvres. Soit quatre heures après les faits.
Pas d’interprète disponible
Ce matin-là, les «boeufs-carottes» arrivent au « 36 » à 7 h 50, raconte Nathalie Chaux. Ils sont immédiatement informés que les suspects sont rentrés chez eux. Vingt-cinq minutes plus tard, la plaignante est entendue par les enquêteurs pour la première fois. Une audition « assez brève », observe-t-elle. Emily S. parle « difficilement français » et les policiers n’ont pas trouvé d’interprète disponible immédiatement. Elle leur raconte avoir passé la soirée dans un pub près du « 36 ». Une dizaine de policiers l’ont draguée et l’un d’eux lui a proposé d’aller visiter leurs locaux. Une fois arrivés dans un des bureaux de la BRI, l’un des accusés « l’a incitée à boire », poursuit Nathalie Chaux. Soudain, Emily S. « s’est retrouvée à genoux, avec le sexe » de ce policier dans la bouche. Un autre individu est ensuite entré dans la pièce, lui a retiré ses vêtements, a collé son visage contre un bureau et l’a pénétrée. Avant de partir, elle dit avoir été violée une nouvelle fois par des hommes dont elle ignore l’identité.
Les enquêteurs de l’IGPN placent son string sous scellés tandis qu’elle est conduite à l’Institut médico-légal. Le médecin a évalué l’incapacité temporaire de travail à deux jours. Les «boeufs-carottes» vont ensuite auditionner les gardiens de la paix qui assuraient la sécurité du «36» ce soir-là. Selon eux, la touriste canadienne souriait, semblait «contente d’être là », indique à la cour la commissaire Chaux. Celle-ci regrette qu’on ne lui ait pas confié l’affaire immédiatement après les faits. Elle aurait envoyé tout de suite des agents afin de « préserver les lieux ». Les enquêteurs de l’IGPN n’ont en effet jamais retrouvé les collants de la plaignante. La commissaire Chaux aurait aussi voulu entendre plus rapidement les deux suspects, les soumettre à un test d’alcoolémie.
« Les heures perdues ont été préjudiciables » pour l’enquête, jure-t-elle. Ce mercredi, la cour entendra Emily S. Le procès doit se tenir jusqu’au 1er février. Les accusés encourent vingt ans de prison.