Des horloges en avance ?
Le grand débat servirait la future campagne des européennes d’Emmanuel Macron, selon l’opposition, qui demande que le temps de parole du chef de l’Etat soit décompté par le CSA.
Deux échanges marathons. Vendredi, dans le Lot : six heures trente-deux. Le mardi précédent, dans l’Eure : six heures trente-huit. Emmanuel Macron s’est très longuement exprimé face aux élus, la semaine passée, dans le cadre du grand débat national. « Dans le fond, comme dans la forme, on a retrouvé des scènes de campagne : lui, au milieu, avec une maîtrise parfaite des dossiers et une vision cohérente du projet», s’enthousiasme Sacha Houlié, député LREM de la Vienne.
Ces échanges, très suivis sur les chaînes d’information en continu, ont aussi correspondu à une légère hausse de popularité du président dans un sondage (infirmée cependant par une autre enquête publiée samedi). Mercredi, une enquête Ifop donnait même LREM en tête (23 %) devant le RN (21 %) aux élections européennes du 26 mai. Une première depuis des semaines. De quoi apporter de l’eau au moulin de l’opposition, qui accuse Emmanuel Macron d’utiliser la concertation nationale pour faire campagne. « Principe de pluralisme » «Il annonce un nouveau contrat avec la nation en avril, à un mois du scrutin européen, qu’il utilisera comme vote arbitre, dénonce Eric Coquerel, député LFI de Seine-Saint-Denis. Ce côté campagne électorale renforce la légitimité de nos critiques. C’est lui qui choisit les thèmes et lui qui décide. On est déjà à quatorze heures de propagande, j’espère que le CSA en tiendra compte.» Une critique relayée sur Twitter tant par l’UDI que par le PS. Contacté par 20 Minutes, le Conseil supérieur de l’audiovisuel assure que, «a priori, les propos tenus par le président de la République, en raison de leur contenu et de leur contexte, pourraient être considérés comme relevant du débat politique national et, à ce titre, être décomptés, en application de la délibération du 22 novembre 2017 relative au principe de pluralisme politique dans les services de radio et de télévision». En revanche, les interventions du chef de l’Etat ne devraient pas être décomptées pour les élections européennes, la campagne n’ayant pas encore officiellement commencé. Sébastien Lecornu, ministre chargé des Collectivités territoriales et co-animateur du grand débat national, a déjà prévenu que l’exercice serait renouvelé pendant ces deux mois. De quoi faire fulminer Laurence Sailliet, porte-parole des Républicains : «Combien coûtent au contribuable les meetings de campagne d’Emmanuel Macron, puisqu’il est dans cette perspective de campagne électorale pour les élections européennes ? » s’est-elle interrogée lundi. «Si le contribuable doit payer ça, nous voulons le chiffrage et nous voulons savoir aussi quelle partie sera réintégrée au compte de campagne» du parti présidentiel. «Qu’un président défende son bilan, c’est assez naturel. Ce n’est pas faire campagne, mais faire de la politique», balaie Sacha Houlié. Et d’ajouter : «Les décomptes seront tous juridiquement étudiés, mais je ne crois pas que rassembler 600 élus dans un gymnase demande des sommes considérables… » Lundi soir, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques n’avait pas répondu à nos sollicitations.