Alexandre Benalla laisse les sénateurs sur leur faim
L’ex-collaborateur de l’Elysée s’est refusé à donner suite aux principales questions du Sénat sur ses passeports
Il ne veut pas « commenter les articles de presse». A l’exception d’une brève sur son déplacement au Tchad parue dans Le Canard enchaîné et qui sert sa défense. Il n’a « absolument rien à cacher». Mais «il y a des choses» qu’il ne peut « pas dire ». Alexandre Benalla a passablement énervé, lundi, la commission d’enquête sénatoriale qui souhaitait l’entendre sur l’affaire dite «des passeports diplomatiques ». Auditionné une première fois le 19 septembre, l’ex-collaborateur d’Emmanuel Macron avait alors affirmé que ses documents étaient «dans [son] bureau à l’Elysée». Depuis, Patrick Strzoda, le directeur de cabinet de la présidence de la République, a révélé qu’il s’en était en réalité servi « une vingtaine de fois » entre le 1er août et le 31 décembre 2018. « Je ne vous ai pas menti, le 19 septembre, lorsque je vous ai dit que mes passeports étaient à l’Elysée», a déclaré l’ex-garde du corps, lundi. Selon son récit, il les aurait d’abord restitués au palais présidentiel dans le courant du mois d’août. Mais «quelqu’un» les lui aurait rendus, en octobre, dans un sac contenant aussi ses clés et un chéquier.
«Je ne fais aucun chantage»
Qui? La commission sénatoriale a réclamé la réponse une bonne demi-douzaine de fois, sans jamais y parvenir. «Je ne répondrai pas à cette question.» Invoquant tour à tour «la confidentialité évidente», «le respect de [sa] vie privée» et, surtout, les institutions, qui prévoient que les parlementaires ne peuvent poser des questions sur une enquête judiciaire en cours, Alexandre Benalla s’est arcbouté dans son opposition systématique. Seule certitude, ce n’est pas la peur d’être sanctionné qui le rend mutique sur ce point. Reconnaissant des «conneries» ou des «erreurs», il a admis qu’il n’aurait jamais dû utiliser les passeports alors qu’il venait d’être licencié de l’Elysée. Mais, explique-t-il, c’était pour «quitter Pôle emploi le plus vite possible» et «refaire [sa] vie». Légèrement fanfaron depuis le début de l’affaire, l’ex-collaborateur du chef de l’Etat s’est montré à l’opposé, lundi, expliquant avoir beaucoup souffert. Car il a dû «mettre à l’abri [sa] femme et [son] fils, trouver un appartement et un emploi…» Il a tout de même trouvé le temps d’écrire au moins deux messages à Emmanuel Macron. Et s’il a révélé, lundi, qu’il n’avait plus aucun contact avec les personnes de l’Elysée depuis le 24 décembre, il assure ne faire « aucun chantage. On essaie d’expliquer certains dysfonctionnements de l’Etat. Mais il ne faut pas en déduire que tout ça est dû à un secret que je détiendrais. » Le moment idéal, selon le sénateur (PS) Jean-Pierre Sueur, pour poser la seule question qui vaille. Si ce n’est pas lui, est-ce la présidence qui a menti au sujet des passeports ? « Vous en tirerez les conclusions que vous voulez», a répondu Alexandre Benalla. C’est prévu. La commission sénatoriale doit achever ses auditions jeudi. Puis se lancer dans un rapport sur toute cette affaire.