Distance avec les stars
Les joueuses et joueurs majeurs du circuit sont discrets depuis le début de la polémique sur la qualité de l’air à l’Open d’Australie
«On ne laissera pas passer.» Vasek Pospisil est né un peu trop tard pour jouer le rôle de Gandalf au cinéma, mais il se rattrape en jouant les grandes gueules du circuit ATP. Le Canadien veut sauver les poumons de ses pairs, contraints de disputer les qualifs de l’Open d’Australie dans des conditions épouvantables, après les incendies qui ont ravagé le pays. «Tout cela devient absurde, s’emporte-t-il. Il est temps de créer un syndicat des joueurs. » Faute de mieux, les tennismen doivent faire pour l’instant avec le conseil des joueurs, présidé par Novak Djokovic, «très actif sur la question des prize money », nous souffle un agent, un peu moins pour monter au créneau en ce qui concerne la santé des joueurs. Rafael Nadal et Roger Federer ont certes levé 150000 € en faveur des sinistrés, on ne les a pas plus entendus que le Serbe sur le déroulement du tournoi. Les «inexistants», comme Brayden Schnur (103e à l’ATP), auraient préféré que les rois du tennis traînent un peu moins : « Cela doit venir des meilleurs gars, Roger et Rafa sont un peu égoïstes en pensant à eux-mêmes et à leur carrière. Ils n’essaient pas de faire ce qui est bon pour le sport.»
Problèmes d’argent
C’est un fait, et même si Schnur a tempéré ses propos par la suite, pas grand monde n’est là pour aider les « petits » joueurs. Conséquence, « ils ont disputé leurs matchs de qualification, parce que, s’ils ne vont pas sur le court, il n’y a pas de prize money, et ça représente un manque à gagner [12000 € la victoire au 1er tour des qualifs]», regrette le Français Mathias Bourgue, qui bataille actuellement sur les courts.
Plusieurs grands noms se sont quand même fait entendre sur les réseaux sociaux. Elina Svitolina et Alizé Cornet ont alerté, Gilles Simon a ironisé et Lucas Pouille, bien que forfait pour le tournoi, s’est interrogé : «Je n’arrête pas de lire qu’il est dangereux de jouer. (…) Mais pourquoi allez-vous sur le court ? » L’argent, toujours l’argent. «Je peux comprendre que les joueurs [moins bien classés] aient des réticences à déclarer forfait, il y a des amendes, dont le prix est exponentiel, détaille l’agent présent sur le circuit. Plus vous avez de forfaits, plus l’amende est chère.»
De la difficulté de réveiller une conscience collective en vue d’une lutte des classes quand on pratique un sport individuel. Sans solidarité en bas, que vaudrait la voix de Nadal, Federer ou Djokovic ? D’autant que le cynisme des organisateurs a fait comprendre que, quoi qu’il arrive, ils trouveraient toujours une bonne excuse pour que se déroule le tournoi. «Pour moi, il ne se passera rien, assure l’agent. S’il y a un autre épisode nuageux, il y aura des interruptions. Puis, quand il y aura moins de particules fines dans l’air, ils renverront les joueurs sur le court. Le tout en nous sortant des marqueurs environnementaux qu’eux seuls pourront vérifier. L’énorme pipeau habituel. »