La police en flagrant déni?
Le travail engagé contre les discriminations reste très parcellaire
Le ministre de l’Intérieur a souhaité être «ferme». «Le racisme n’a pas sa place dans notre société, et encore moins dans notre police républicaine (…) Il faut le traquer et le combattre de toutes nos forces», a déclaré Christophe Castaner lundi lors d’une conférence de presse. Ces dernières semaines, plusieurs affaires révélées dans la presse ont mis en cause des policiers soupçonnés d’avoir tenu des propos racistes. Mais comment les forces de l’ordre appréhendent-elles ce sujet?
Pour Jérémie Gauthier, sociologue à l’université de Strasbourg, bien que la France ait « tardé » à s’emparer de ces questions, la situation a évolué depuis une dizaine d’années. «L’Etat a été condamné en 2015 par la cour d’appel de Paris pour des contrôles d’identité jugés discriminatoires, les mobilisations dénonçant des dérives policières ont acquis une audience accrue. L’institution a donc été contrainte à infléchir son discours. » Mais le travail engagé reste selon lui « ambigu » et « incomplet » : « Le politique dénonce des dérives d’individus qualifiés de “brebis galeuses” et continue de nier la responsabilité de l’institution. » Ce « déni » s’inscrit dans l’histoire de la police, selon Catherine Wihtol de Wenden, coautrice de Police et discriminations raciales, le Tabou français (éd. de l’Atelier). « A travers nos enquêtes, on a pu relever qu’une culture raciste ou un racisme diffus s’exprimaient au sein de la police. Une culture héritée de la guerre d’Algérie avec une approche qui consiste à considérer que les gens “visibles” sont des gens dangereux. »
«Des sanctions nécessaires»
Pour autant, des leviers d’action existent. Lors de sa conférence de presse, Christophe Castaner a demandé que la suspension soit «systématiquement envisagée pour chaque soupçon avéré» de racisme dans les forces de l’ordre. Des sanctions nécessaires, juge Patrice Bilgorai, de la Licra : « Quand des comportements tombent sous le coup de la loi, je ne vois aucune raison pour laquelle les policiers ou gendarmes seraient absous. Le racisme n’est pas une opinion mais bien un délit.»