L’Unesco dénonce une escroquerie dans une affaire de vente de biens culturels
L’escroquerie consiste à proposer à la vente de faux biens culturels frauduleusement certifiés par l’agence
Tout a commencé, fin avril, par une invitation de Samuel Eto’o, ex-footballeur camerounais, sur Facebook. D’habitude, Yolande ne répond pas à ce genre de message. «Mais mon fils, fan de foot, m’a demandé d’accepter, se désole la quinquagénaire. Il me disait : ‘’Si ça se trouve, c’est vraiment Samuel Eto’o !” » Ce n’était pas lui. Voilà comment, deux mois plus tard, le nom de Yolande est venu gonfler la liste des victimes d’arnaques aux fausses oeuvres d’art africaines. L’Unesco alerte, ce mercredi, sur la multiplication de ces escroqueries. Ces derniers mois, cette agence de l’ONU s’est aperçue que les suspects n’hésitaient pas à utiliser frauduleusement son nom et son logo pour monter des arnaques en France. «Sur les douze derniers mois, nous avons relevé une trentaine de signalements, raconte Cédric Bourgeois, chef de l’unité d’enquête à l’Unesco. Cela représente environ un million d’euros détournés. Bien souvent, les victimes finissent par appeler le siège de l’Unesco. C’est comme cela qu’elles découvrent le pot aux roses. » Comme Yolande. « C’est quand ce faux Samuel Eto’o m’a parlé de l’Unesco que ma tête a commencé à chauffer, confirme-t-elle. J’ai voulu vérifier.» Mais le mal était déjà fait. Et cette salariée d’une compagnie d’assurances s’était déjà délestée de 6 400 €.
Pour la convaincre, le suspect lui a servi une histoire sur mesure. Après dix jours de discussion badine sur Facebook, puis WhatsApp, il a proposé de la mettre en relation avec un de ses amis américains, collectionneur d’art. « Il fallait simplement que je serve d’intermédiaire pour l’achat de statuettes africaines…», poursuit Yolande. Le scénario était bien ficelé : les oeuvres provenaient de Magba, un village camerounais qui existe. Le chef de ce village proposait de les céder pour construire une école et un hôpital. «J’ai même reçu un coup de fil du chef du village qui m’expliquait tout ça », s’étrangle Yolande. Car, évidemment, tout était faux. En revanche, à chaque étape, la quinquagénaire française devait s’acquitter d’un versement : 700 € pour « le rituel » permettant aux statuettes de quitter le village ; 200 € pour le transport jusqu’à l’aéroport ; 2 000 € pour les douanes… « C’est quand il m’a demandé 1 200 € sur la base d’un certificat de l’Unesco que je me suis inquiétée. » Anne-Sophie Coulbois, commissaire divisionnaire à la tête de l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière, confirme que cette escroquerie est classique : « A chaque fois, on se demande comment les gens se font avoir. Mais les escrocs sont organisés, nombreux et ils adaptent leurs scénarios en fonction des victimes. Et ils savent bien que le tampon d’une organisation officielle telle que l’Unesco sur un papier aide à convaincre.»
«Il fallait simplement que je serve d’intermédiaire. » Yolande, victime
« L’Unesco n’intervient jamais dans le commerce de collections privées. » Cédric Bourgeois, chef de l’unité enquête de l’Unesco
C’est pour éviter que cela ne se reproduise que l’Unesco tire la sonnette d’alarme. «L’Unesco n’intervient jamais dans le commerce de collections privées, ni comme intermédiaire, ni comme agent certificateur », rappelle Cédric Bourgeois. Mais la combine semble prendre de l’ampleur. Il y a quelques jours, l’organisation a reçu un signalement concernant la vente de sept oeuvres d’un village camerounais frauduleusement certifiées par le bureau de l’Unesco… en Inde.