La fondation Sonnenhof ferme sa ferme, et ça déplaît
Une pétition dénonce la décision de la direction de la fondation Sonnenhof de fermer un lieu où oeuvrent des travailleurs handicapés
Le lieu est bien connu en Alsace. La fondation protestante Sonnenhof, à Bischwiller, accueille depuis plus de cent cinquante ans des personnes en situation de handicap. Environ 1 000 actuellement, dont 320 travaillent au sein de l’énorme domaine en cuisine, dans la jardinerie ou la ferme.
«Je voulais agir»
Lancée sur change. org en fin de semaine dernière, une pétition pour réclamer la sauvegarde de la ferme, soit le projet inverse de la direction, a récolté quelque 13 000 signatures. « En tant qu’habitant du coin [Haguenau], ça m’a touché d’apprendre cette possible fermeture. C’est une institution ici et je voulais agir», avoue son créateur, Sofiane El Hamlili, client de la boutique de la ferme. Il dit avoir été encouragé par «d’anciens et d’actuels salariés et des agriculteurs du coin ». Aurait-il été manipulé ? C’est ce que dénonce la directrice générale AnneCaroline Bindou qui évoque «une campagne de nuisance». Elle répète le bienfondé du projet, porté au vote lors du conseil d’administration du 13 février. «Le plus important pour nous, c’est que les activités proposées ici offrent un parcours épanouissant et favorisant l’inclusion pour les personnes handicapées, défend-elle. Or, on n’y est plus pour la ferme. Parmi les dix-huit qui y travaillent, onze se sont prononcés pour un métier moins contraignant, quatre hésitent, un prend sa retraite et deux, enfin surtout un, voudraient continuer. En plus, on ne trouve pas de relève pour les remplacer.»
Ces arguments ne seraient pas valables d’après une déléguée syndicale du lieu. « Les salariés qui encadrent les travailleurs handicapés ne nous disent pas du tout la même chose, assure-telle. En plus, ces derniers ont été reçus par les deux directeurs. En temps normal, il y a de quoi être intimidé alors qu’on est encore plus faible. » Elle préfère garder l’anonymat à cause d’un «très mauvais climat social actuel». « Quand la directrice dit que les jeunes ne veulent plus y aller, c’est aussi normal puisqu’on ne leur propose aucun stage», s’exclame-t-elle.
A l’en croire, l’intérêt de cette possible fermeture serait aussi financier pour une structure soutenue en grande partie par l’agence régionale de santé et le département. Anne-Caroline Bindou ne le cache d’ailleurs pas : l’activité est déficitaire, «de 200000 € par an», malgré la vente de 450 000 hl de lait, la production céréalière et l’activité maraîchère sur 120 ha. « Mais je le répète, ce n’est pas ça qui a motivé notre décision, défend la directrice. On souhaite d’abord le bien-être de nos usagers. » L’ancien secrétaire général Marc Urban, signataire de la pétition, balaie l’argument : « Quand ils ont annoncé cette décision aux résidents le 21 décembre, tous sont partis en pleurant… C’est totalement incompréhensible et indécent de vouloir fermer cette ferme, qui est une vitrine et l’ADN du Sonnenhof. »