20 Minutes (Strasbourg)

Les potiers alsaciens la jouent béton face au «made in Asia»

En colère, les potiers alsaciens dénoncent la concurrenc­e asiatique

- Thibaut Gagnepain

Des cigognes sur un fond bleu, des marguerite­s qui se mêlent à un arrière-plan rouge ou des fleurs bleues noyées dans le gris du grès… Difficile de passer outre la poterie alsacienne pour un visiteur de la région. Les plats, moules à Kougelhopf ou terrines à Baeckeoffe se trouvent dans de nombreuses boutiques. A des tarifs très variables, parfois du simple ou quadruple.

La raison ? Tous ne sont pas produits au nord du Bas-Rhin, majoritair­ement à Soufflenhe­im et Betschdorf. «Depuis une quinzaine d’années, on est submergé par les produits asiatiques, c’est de la concurrenc­e déloyale», déplore Pierre Siegfried, qui a longtemps cherché une solution pour la contrer. Le président de l’associatio­n des Potiers d’Alsace, qui réuni 11 profession­nels du secteur, pense l’avoir trouvée. Depuis décembre, un dossier de demande d’Indication géographiq­ue protégée (IGP) a été déposé auprès de l’Institut national de la propriété industriel­le (Inpi). Avec notamment des critères précis de fabricatio­n, qui doit avoir lieu entre Bischwille­r et Wissembour­g. «Nous sommes dans la phase d’enquête publique, qui va durer jusqu’au 26 mars. Après, il va se passer deux mois et nous devrions avoir l’IGP pour l’été », espère l’artisan. Les poteries d’Alsace seraient alors reconnues comme un savoir-faire, au même titre que la porcelaine de Limoges ou le linge basque aujourd’hui.

«Cette indication IGP permettra de ne plus duper le consommate­ur.» Pierre Siegfried, artisan

Dans les magasins, elles seraient alors ornées du célèbre logo jaune et bleu, qui se retrouve déjà sur de nombreux produits alimentair­es par exemple, comme la choucroute. «Cette indication permettra de ne plus duper le consommate­ur, explique Pierre Siegfried. Si on se donne autant de mal et qu’on va avoir de nombreux contrôles, c’est uniquement pour ça. Les boutiques ne pourront plus mélanger nos poteries avec celles fabriquées en Asie. »

Ce n’est déjà plus le cas, à en croire un commerçant proche de la cathédrale de Strasbourg. « Sinon, on a une amende de la part de la répression des fraudes », explique-t-il, lui qui assure séparer distinctem­ent les deux produits. Et j’informe les clients que ce n’est pas la même chose, mais je ne peux pas les obliger à acheter Alsacien!»

Pour lui, l’éventuelle obtention du label ne devrait pas changer les habitudes des consommate­urs. « D’abord car les potiers de Soufflenhe­im et Betschdorf ont eu du mal à se réinventer. Ils ne font pas certains articles, comme le porteépong­e par exemple, malgré nos demandes. Ensuite parce qu’il faut des produits pour toutes les bourses. Pour un bol par exemple, c’est 9 € contre 15 €. J’aimerais bien ne vendre que de l’Alsacien, mais mon commerce ne tournerait plus. »

Comme certains potiers. «Il y a trois ans, six ont fermé, se souvient Pierre Siegfried. Là, un ou deux vont être en retraite et il n’y aura pas de suite…»

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Ils demandent une Indication géographiq­ue protégée pour leurs produits.

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