Quelles suites à la « bavure » de l’armée française ?
Un rapport de l’ONU accuse une frappe de l’armée française au Mali d’avoir tué 19 civils. Les conséquences pourraient être multiples
Que s’est-il passé dans le village malien de Bounti ? Mardi, la Minusma, la mission de l’ONU au Mali, a publié les résultats d’une enquête accusant la France d’avoir tué 19 civils, réunis pour célébrer un mariage, lors d’une frappe aérienne. La France, elle, conteste toute bavure et maintient qu’il s’agissait de djihadistes. Si le rapport se révèle exact, à quelles conséquences Paris doit-il s’attendre ?
De ce qu’il s’est passé le 3 janvier à Bounti, aucune image n’a circulé. Les faits se sont produits dans une zone éloignée et dangereuse, où les djihadistes sont très présents. La force antidjihadiste française Barkhane a rapidement été montrée du doigt sur les réseaux sociaux. «C’est la violation du principe de précaution qui est avancée par le rapport, explique Julien Antouly, doctorant au Centre de droit international (Cedin) de l’université Paris-Nanterre. La France n’est pas accusée d’avoir tué intentionnellement des civils. Elle est accusée de ne pas avoir pris toutes les précautions en amont de cette attaque pour s’assurer qu’il s’agissait de cibles militaires. »
Justice française
Contestation ou non de Paris, à l’issue de ce rapport, aucune conséquence judiciaire immédiate ne plane sur la France. En conclusion de son enquête, la Minusma invite d’ailleurs Paris et Bamako à conduire «une enquête indépendante, crédible et transparente » de leur côté.
Et pour la suite? «On est dans une situation de conflit armé non international dans cette affaire, indique Julien Antouly. Dans ce cas, on a tendance à penser à la Cour pénale internationale, mais, en réalité, le premier juge responsable de sanctionner les potentielles violations du droit humanitaire reste le juge interne de chaque Etat.» Ce sera donc à la justice française de trancher, et de décréter d’éventuelles sanctions et réparations. Mais «ce qui s’est passé affaiblit politiquement la France, souligne JeanPierre Maulny, directeur adjoint à l’Institut de relations internationales et stratégiques, et spécialiste des questions de défense [lire l’encadré]. Il y a nécessairement une guerre médiatique, une guerre de l’opinion. L’image que vous donnez dans les conflits armés est importante.» Barkhane mobilise actuellement 5100 soldats.