20 Minutes (Strasbourg)

INSIGNIS, NOTRE FEUILLETON

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Un crime maquillé en accident de la route, des suspects cachant leur double vie… Pour sa première enquête, le jeune lieutenant de police Brice Caley n’en demandait pas tant. Animé par sa passion pour la sulfureuse Noémie, psy le jour, escort la nuit, Brice traque le harceleur No One jusqu’au bout d’un jeu sinistre au nom étrange : Insignis. Pour accompagne­r sa sortie en librairie, l’autrice Charlotte Letourneur vous offre les premiers épisodes de son thriller, Prix 20 Minutes du roman 2022.

Épisode 3 : Déboires nocturnes

Foutue insomnie. Toujours à vous tomber dessus quand vous avez besoin de vous nettoyer le cerveau. Et Dieu sait qu’avec un passif comme le mien, je dois me récurer la mémoire pour ne pas périr, m’enliser dans ma propre noirceur. Mais ce n’est pas ce soir que je vais faire le grand nettoyage. Alors, au lieu d’user le parquet de mon appartemen­t, j’erre dans les rues de Rennes.

Je m’éloigne des quais et du centre historique, laisse derrière moi la rue de la Soif, la place Sainte-Anne, les Lices, République, pour arriver au Liberté. La grande salle de spectacle dégueule ses convives, critiques acerbes pour un public virtuel de leur soirée, qu’ils exposent sur les réseaux. Mon regard s’attarde sur l’extrémité rougeoyant­e de ma cigarette. Mon péché, ma drogue. Nous sommes tous accros à quelque chose. Pour certains, c’est l’argent, les femmes, le jeu… Moi, ce sont les blondes avec un léger arôme de caramel. J’aspire sur ma tige, qui se consume. Mes pupilles se rétractent et suivent les volutes de fumée.

Le bitume absorbe le bruit de mes semelles. Je suis une ombre parmi les ombres. Ma présence silencieus­e met mal à l’aise, à moins que ça ne soit ma prestance qui repousse. Un grand métis, un cuir sur les épaules, une cigarette au bec, seul en pleine nuit, ça inspire des peurs teintées de racisme. Les jeunes changent de trottoir, les solitaires évitent mon regard en fixant l’écran bleuté de leur téléphone, les plus âgés murmurent en me contournan­t. Inspirer la crainte est la meilleure des protection­s pour les gens comme moi.

Je m’arrête une minute, à la croisée de deux destinatio­ns. D’un côté, la lumière vive et froide d’un lieu qui contiendra­it mes craintes ; de l’autre, celle, chaude et envoûtante, d’une ancienne prison médiévale qui abreuverai­t mes démons. Un rapide coup d’oeil à ma montre, et la réponse s’impose. (à suivre)

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