20 Minutes (Toulouse)

Bas les masques pour la romancière Elena Ferrante

Un journalist­e a décidé de dévoiler l’identité de l’auteure italienne au succès mondial

- Annabelle Laurent

Le journalist­e italien Claudio Gatti a enquêté pendant des mois et des mois. Fouillé des dizaines et des dizaines de documents immobilier­s et fiscaux. Avec succès : il est parvenu, dimanche, à ses fins. En révélant une affaire géante d’escroqueri­e ? de fraude? Hélas, non. Ce qu’il tient, triomphant, c’est un nom. Celui de la romancière italienne qui écrit, depuis plus de vingt-cinq ans, sous le pseudonyme d’Elena Ferrante. « L’un des plus grands auteurs de notre temps » pour le New York Times, « l’une des plus grandes romancière­s d’Italie » pour le Times, traduite en plus de quarante langues. Elena Ferrante a été révélée au monde entier par sa saga entamée en 2011 avec L’Amie prodigieus­e, épopée intime contant l’amitié entre deux fillettes napolitain­es sur trois décennies, dont les deux premiers tomes sont parus chez Gallimard en janvier. Le troisième est attendu pour janvier 2017 et les fans sont fébriles. Louée, admirée, Elena Ferrante est toujours restée à l’ombre de son pseudonyme. Aucune photo, aucune apparition publique. Jusqu’à dimanche, et le « scoop » du journalist­e italien, paru simultaném­ent sur Mediapart, dans le Frankfurte­r Allgemeine Zeitung, et dans la New York Review of Books.

Vingt-cinq ans d’énigme

Si Elena Ferrante s’est échinée à cacher son identité pendant vingtcinq ans, ce n’est pas par coquetteri­e, ni par timidité. Au printemps 2015, elle justifiait son besoin d’anonymat auprès de la Paris Review. Ce besoin avait évolué depuis sa décision initiale, au début des années 1990. « A l’époque j’avais peur à l’idée d’avoir à sortir de ma coquille. La timidité l’emportait. Puis j’en suis venue à ressentir de l’hostilité pour les médias qui n’accordent pas d’importance aux livres en eux-mêmes, et les évaluent en fonction de la réputation de l’auteur. » Elle insistait sur son « envie de témoigner contre le système d’autopromot­ion qu’imposent les médias » et expliquait : « Une fois que j’ai su que mon livre pourrait venir au monde sans moi (…), cela m’a permis de voir l’écriture autrement. J’avais l’impression d’avoir libéré les mots, de les avoir séparés de moi-même. » L’argument n’a pas convaincu Claudio Gatti. Sur la BBC, il invoque le droit d’informer le lecteur, et accuse l’auteure d’avoir menti sur sa vie personnell­e dans Frantumagl­ia, un recueil de lettres et d’entrevues. Et si le lecteur s’en fichait, lui, des « mensonges » ?

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La vraie Elena Ferrante n’est pas derrière ses livres, mais dedans.

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