Mélenchon mise sur les citoyens pour son programme
Le candidat à la présidentielle fait appel aux citoyens pour élaborer son programme
Jean-Luc Mélenchon a flairé quelque chose dans l’air du temps. Le candidat à l’élection présidentielle organisait, ce week-end à Saint-André-lez-Lille (Nord), la convention de La France insoumise, son mouvement hors partis lancé en février via un site Internet participatif. L’idée? Faire en sorte que ses sympathisants soient partie prenante de l’élaboration de son programme. Sur les 130000 personnes inscrites via la plateforme, 650 ont été tirées au sort pour débattre au cours d’ateliers et de tables rondes (leurs réflexions devraient donner lieu à un texte de 357 mesures). Un format loin du meeting politique classique, mais proche du phénomène Nuit debout. « Le projet d’assemblée constituante que défend Jean-Luc Mélenchon est la clé de tout, rappelle Charlotte Girard, maîtresse de conférences en droit public, et, avec l’économiste Jacques Généreux, coordinatrice du projet. Il est l’élément qui permet de déverrouiller le système et de restituer au peuple sa part de pouvoir. Avec Nuit debout, on avait sous nos yeux l’exigence d’un changement. C’est précurseur de ce que l’on aimerait voir advenir si on accède au pouvoir. »
La tradition bousculée
Les électeurs français veulent-ils vraiment plus de démocratie participative ? « Il y a un tas d’initiatives (Désirs d’avenir de Ségolène Royal en 2007, le mouvement En marche d’Emmanuel Macron) qui montrent que les partis politiques traditionnels ne se portent pas très bien, confirme Bruno Cautrès, chercheur au CNRS et membre du centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). Les citoyens voudraient que les représentants aient prise sur la réalité, et dans le même temps il y a une tendance de fond à la prise de parole par les citoyens. C’est un effet de l’élévation du niveau d’éducation. » Ce besoin d’horizontalité aurait été bien compris par Mélenchon, selon lui, car le phénomène s’étend notamment au monde du travail : « Plus personne ne peut dire “j’ai raison car je suis le chef ”. Il doit justifier ses décisions. » Charlotte Girard ne nie pas « une correspondance entre les aspirations exprimées à Nuit debout et un projet comme le nôtre ». Yves Sintomer tempère : « Nuit debout était un mouvement extra-institutionnel, informel, fondé sur les réseaux sociaux. Là, on a affaire à une candidature à l’élection présidentielle, le coeur de l’institution politique française. » Bruno Cautrès, lui, pense que le transfert est possible : « Mélenchon voit qu’il y a là un réservoir de mobilisation pouvant être sensible à son discours, et malgré son image de gauche orthodoxe, il n’est pas le plus mal placé pour se positionner sur ce créneau. »