20 Minutes (Toulouse)

Les troubles dépressifs touchent aussi les enfants

Environ 3 % des enfants ressentent un profond mal-être

- Anissa Boumediene

Taboue et difficilem­ent concevable, la dépression infantile n’est pas un phénomène marginal. En 2010, entre 2,1 et 3,4 % des enfants souffraien­t de troubles dépressifs, selon les données de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES). « Mais ils sont probableme­nt bien plus nombreux puisqu’il ne s’agit que des troubles qui ont été diagnostiq­ués », souligne Hélène Romano, professeur­e en psychopath­ologie et auteure de L’Enfant face au traumatism­e (éd. Dunod). A l’occasion, ce jeudi, de la Journée européenne de la dépression, 20 Minutes fait le point sur ces troubles dépressifs qui peuvent même affecter les tout-petits.

« Il est impensable pour les parents que leur enfant puisse aller mal. » Pr Hélène Romano

Chez un enfant, « les symptômes de la dépression sont difficiles à repérer, note Myriam Szejer, pédopsychi­atre et psychanaly­ste. Le fait qu’il soit agité ou triste n’est pas forcément un signe de dépression ». Difficile à concevoir pour les parents, « pour qui il est impensable que leur enfant puisse aller mal », indique la Pr Romano, la dépression infantile n’est pas souvent envisagée par les profession­nels de santé car « ils ne pas formés », constate la Dr Szejer. Résultats : des erreurs de diagnostic sont faites, on va parler d’enfant difficile, sans réussir à mettre le doigt sur sa dépression. Pour l’heure, peu d’études sont consacrées aux facteurs biologique­s de la dépression infantile. Mais le plus souvent, chez les jeunes enfants, « les troubles dépressifs sont dus à des facteurs exogènes, explique la Pr Romano. Maladie, violences conjugales, deuil, hospitalis­ation précoce et durable sont autant de causes possibles. » Tout comme peuvent l’être des événements plus anodins (la naissance d’un petit frère, l’entrée à la crèche ou à l’école, un changement brusque de nounou…) « Un enfant joyeux qui se replie sur lui ou qui devient très agressif, un enfant autonome qui va régresser et se mettre à coller sa mère en permanence : ce sont ces changement­s radicaux dans l’attitude des enfants qui mettent la puce à l’oreille » des parents, énumère la Dr Szejer. Plus souvent qu’on ne le croit, la dépression va aussi toucher les tout-petits. Hélène Romano insiste : « Un sentiment d’abandon chez un bébé peut le pousser dans un désespoir très profond. » Lequel se manifeste autrement que par la parole. « J’ai eu le cas d’un bébé d’un an qui, quelques jours après son entrée en crèche, a eu des poussées de fièvre, se souvient la Dr Szejer. Se retrouver en collectivi­té a ramené ce bébé qui avait été adopté à l’insécurité et au mal-être qu’il avait éprouvé à l’orphelinat. » Dans ces cas-là, pas question de mettre un bébé ou un enfant sous antidépres­seurs. « Lui parler, lui expliquer les choses, permet de rassurer l’enfant, préconise la Pr Romano. Même un bébé qui ne parle pas, en sentant qu’on s’adresse à lui, qu’on crée du lien avec lui, se sentira rassuré, entouré. C’est en passant par là qu’il ira mieux. »

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Un enfant joyeux qui se replie sur lui peut mettre la puce à l’oreille.

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