Fausse proximité
Honnête, Charles Hufnagel, directeur de la communication d’Edouard Philippe, assure qu’« on n’invente rien » : « Pierre Mendès-France, quand il faisait ses causeries au coin du feu avec sa bouteille de lait, c’était pareil. » Dans les deux cas, malgré un quasi-demisiècle d’écart, l’objectif est de créer une sensation de proximité, sans danger. Pour Anne-Claire Ruel, enseignante en communication politique à Paris-XIII, Edouard Philippe « communique auprès de sa cible. Il n’y a aucune interactivité, alors que c’est l’essence même du Web. On n’est pas dans une logique propre aux réseaux sociaux. » Et la communicante de poursuivre : « Si les politiques deviennent eux-mêmes des médias, le brouillage est total. Macron, Philippe, Mélenchon… Tout le monde est en silo et fait de l’entre-soi et, finalement, ces mondes ne se rencontrent pas. » C’est le paradoxe des réseaux sociaux, ces médias plus ouverts et participatifs que jamais, qui favorisent pourtant l’homogénéité d’opinion. Durant la campagne présidentielle américaine, Le Temps avait publié un article sur ce phénomène – appelé « bulle de filtre » – préservant les utilisateurs des réseaux sociaux « des points de vue divergents ». « Les algorithmes peuvent prédire quel contenu un militant pro-Hillary Clinton aimera voir après tel autre contenu. Toutes les opinions apparaissant sur Facebook ont déjà été filtrées », expliquait au quotidien suisse un fondateur d’agence de communication. Selon Thomas Guénolé, docteur en sciences politiques, néo-insoumis qui chapeaute la création du Média, la future Web télé « de la gauche alternative », « ce n’est qu’à un certain niveau de buzz qu’il peut y avoir un effet boule de neige qui vous permette de toucher des internautes éloignés de votre base ». Parmi les possibilités de buzz, il évoque un clash, un contenu marrant, choquant ou… « particulièrement pertinent intellectuellement, indépendamment du bord politique ».