La bataille du rail
Le gouvernement entame ce lundi des discussions avec les syndicats sur la réforme de la SNCF. De chaque côté, on espère rallier l’opinion publique à sa cause.
Le procédé est désormais rodé. Pour désamorcer ou anticiper tout mouvement de contestation sociale, le gouvernement « consulte », puis organise des « concertations ». La réforme du rail n’échappera pas à la « méthode Macron ». Après la remise au Premier ministre Edouard Philippe, la semaine dernière, du rapport Spinetta sur « l’avenir du transport ferroviaire », le gouvernement doit recevoir dès ce lundi syndicats, direction de la SNCF, représentants des régions et des usagers. Ouverture à la concurrence, transformation de l’établissement public en société anonyme (SA) pour endiguer la dette, fermeture de petites lignes non rentables ou disparition progressive du statut des cheminots… Considérées comme « sévères, mais justes » par le gouvernement, les mesures prévoient la « casse du service public » et une « privatisation rampante de la SNCF » estiment les syndicats, la CGT en tête, qui ont d’ores et déjà annoncé une manifestation nationale des cheminots le 22 mars.
Enjeux politique et syndical
« C’est un rapport de forces classique renforcé par les élections professionnelles à la SNCF prévues en novembre », analyse le journaliste Marc Fressoz, spécialiste des transports et auteur de F.G.V, faillite à grande vitesse : 30 ans de TGV (Ed. Le Cherche Midi). Ce scrutin interne pourrait, selon lui, grandement influencer les positions des représentants des salariés de la SNCF : « Le premier [syndicat] qui se prononcerait, par exemple, pour l’ouverture à la concurrence, prendrait ainsi le risque de perdre. » En face, il s’agira de communiquer sur la capacité du gouvernement et du chef de l’Etat à « réformer » le pays. « Vanté comme réformiste, le rapport Spinetta ne l’est pas du tout. Il n’y a pas un mot sur l’ambition et l’enjeu écologique lié au transport ferroviaire dans ce document », tacle Frédéric Boccara, membre des « économistes atterrés », du PCF et du Conseil économique, social et environnemental (Cese). « Ce que préconise Spinetta, c’est ce que proposait Juppé en 1995 », abonde Marc Fressoz. Autre enjeu pour le gouvernement et les syndicats : rallier l’opinion publique à leur cause. « Ces concertations seront-elles présentées comme un sujet catégoriel, ou les cheminots vont-ils devenir un symbole qui s’inscrit dans un mouvement global de défense d’une France menacée par les accents libéraux du gouvernement? Ce sera toute la question », conclut Marc Fressoz.