Profession : blanchisseur
Chacun son métier. Les trafiquants de stupéfiants font de plus en plus souvent appel à des spécialistes du blanchiment afin de sécuriser l’argent généré par leur activité criminelle.
Une affaire hors norme. Quarante personnes sont jugées depuis lundi devant le tribunal correctionnel de Paris dans le cadre du dossier « Virus ». La justice les suspecte d’être impliquées dans un vaste réseau franco-suisse qui recyclait les millions d’euros en espèces du trafic de cannabis en les faisant transiter par les comptes bancaires de fraudeurs fiscaux français et par des sociétés écrans. Un système complexe et parfaitement rodé.
« Pacte verbal »
Depuis quelques années, les enquêteurs de la police judiciaire ont remarqué que les filières de blanchiment s’étaient professionnalisées. Certaines équipes proposent ainsi leurs services à des réseaux de trafiquants « en manque d’expertise et de ressources internes » pour les aider à dissimuler la provenance de l’argent liquide, a expliqué vendredi la commissaire divisionnaire Cécile Augeraud, à l’occasion de la présentation du rapport annuel du Sirasco (Service d’information, de renseignement et d’analyse stratégique sur la criminalité organisée). Leur mission ? Eviter tout passage par le réseau bancaire traditionnel afin d’échapper à la curiosité de Tracfin, la cellule de renseignement financier.
Ces organisations sont dirigées par un « superfacilitateur » (ou « saraf » en arabe), « qui réside généralement à l’étranger », a détaillé la commissaire divisionnaire Corinne Bertoux, cheffe de l’OCRGDF (Office central pour la répression de la grande délinquance financière). « Il conclut avec les trafiquants un pacte verbal de blanchiment prévoyant notamment la forme sous laquelle ils vont ensuite récupérer les profits illicites [monnaie locale, ouvertures de compte bancaire à l’étranger…]. »
Les équipes commencent par récupérer l’argent auprès des dealers. Celui-ci peut être transporté de façon classique, « caché dans des voitures ou dans des containers, ou par voie aérienne », a poursuivi Corinne Bertoux. Les fonds peuvent être ensuite transformés en produits à forte valeur ajoutée ou facilement transportables, tels que l’or, des bijoux ou des véhi- cules. Les professionnels du blanchiment ont aussi recours à des mécanismes de compensation variés. Malgré le haut degré de sophistication de ces systèmes de blanchiment, les enquêteurs parviennent parfois à démanteler des réseaux. Fin 2017, l’OCRGDF a mis hors d’état de nuire une équipe qui « avait blanchi plus de 70 millions d’euros ». Trente-deux personnes avaient été interpellées, 17 écrouées. Les policiers ont également saisi 1,2 million d’euros d’avoirs criminels. Dans ce dossier, baptisé « Emporio », ils avaient également découvert l’existence de liens « entre des sarafs marocains et algériens ». « C’était un peu une première, a confié Corinne Bertoux. Chaque fois, on découvre de nouvelles méthodes employées. »