Une colère sans voix
Faute de représentants, les « gilets jaunes» ne parviennent pas à ouvrir des négociations avec le gouvernement. L’organisation même du mouvement fait débat.
Comment parler avec les « gilets jaunes » ? Après la troisième journée nationale de manifestation, samedi, le chef de l’Etat a choisi de rester silencieux, laissant le soin à son Premier ministre de trouver une sortie de crise. Edouard Philippe recevait ainsi lundi les représentants des partis politiques. Il devait aussi s’entretenir avec une délégation du mouvement citoyen ce mardi. Un rendez-vous annulé par ces derniers qui ont expliqué, notamment, avoir reçu des menaces de mort sur les réseaux sociaux pour avoir appelé au dialogue. La structuration du mouvement, qui s’est construit par un rejet des partis politiques et des forces syndicales traditionnelles, ne fait pas l’unanimité.
Quel mode de désignation ?
Pourtant, « il faut des porte-parole, insiste Jimmy, responsable d’une page Facebook du mouvement à Sigean (Aude). Mais reste à savoir comment les désigner. Il faut des gens [en qui] on peut avoir confiance. Qui ont com- mencé le mouvement depuis le début, ceux qui nous ont motivés à devenir “gilet jaune”. » D’autres membres du mouvement demandent sur Internet ou lors des manifestations la mise en place d’une « démocratie participative directe ». « Pas de représentant, pas de délégation… Chacun peut proposer ses idées, ses revendications, directement proposées aux votes de tous », écrit un « gilet jaune » sur Facebook. « Emmanuel Macron subit un effet boomerang, estime Albert Ogien, directeur de recherche au CNRS, coauteur d’Antidémocratie (La Découverte). Lors de la campagne, il a présenté un nouveau monde avec cette idée de démocratie participative, d’écoute de la base, de dilution de pouvoir dans la société. Mais, une fois au pouvoir, il est devenu le président Jupiter, gouvernant avec quelques personnes et sans les corps intermédiaires. Il n’a pas fait couler la démocratie dans les institutions, même au sein de son propre parti, où la démocratie interne a été critiquée. »
Et le sociologue de trancher : « La logique d’un mouvement de ce type (…) est d’avoir des représentants, de jouer le jeu des institutions et de miser sur les négociations pour se faire entendre. Même si cela peut prendre du temps. »