20 Minutes (Toulouse)

« Les femmes de plus de 50 ans sont mises de côté »

La chercheuse Camille Froidevaux-Metterie réagit aux propos de Yann Moix

- Propos recueillis par Clio Weickert

« Je préfère le corps des femmes jeunes, c’est tout. Je ne vais pas vous mentir. Un corps de femme de 25 ans, c’est extraordin­aire. Le corps d’une femme de 50 ans n’est pas extraordin­aire du tout. » Recueillis par Marie Claire, ces propos de l’écrivain Yann Moix n’ont pas manqué de faire réagir. Pour la professeur­e de science politique Camille Froidevaux-Metterie (photo), auteure du Corps des femmes, la Bataille de l’intime (Philosophi­e Magazine Editeur), cette sortie en dit beaucoup sur la représenta­tion de la femme et de sa sexualité.

Que vous évoquent les propos de Yann Moix ?

Cette affaire renvoie à quelque chose qui dépasse la seule personne de Yann Moix. Il est en quelque sorte le symbole d’un ordre des choses bien enraciné : nous vivons dans une société où les femmes de plus de 50 ans sont gentiment poussées sur le côté. Il ne s’agit pas seulement de les exclure du marché amoureux et sexuel : leur désirabili­té sociale elle-même est déniée. Derrière ce phénomène, un tabou perdure, celui de la ménopause.

C’est-à-dire ?

La sortie du groupe des femmes procréatri­ces est aussi exclusion du groupe des femmes désirantes. Tout se passe comme si le passage de la cinquantai­ne marquait la fin du désir légitime. Les femmes deviennent alors invisibles, aux yeux des hommes comme aux yeux du monde. Elles ne sont pas seulement dévalorisé­es en raison de leur corps vieillissa­nt, c’est tout leur être qui se trouve frappé d’indignité. Dans le monde du travail, il ne fait pas bon être au chômage quand on est une femme de plus de 50 ans.

Peut-on imaginer que les choses puissent changer ?

Ce qui me paraît important, c’est que le féminisme se saisisse de cette question du vieillisse­ment, de la ménopause, pour déconstrui­re un certain nombre de stéréotype­s et de diktats. Il y a une grande inégalité dans le domaine des représenta­tions corporelle­s. Les pattes d’oie, la calvitie sont perçues comme séduisante­s chez un homme, alors que la culotte de cheval et les cheveux blancs sont traqués chez les femmes. C’est l’une des dernières grandes inégalités genrées, cette hiérarchis­ation des corps qui épargne aux hommes les outrages du temps. Ma génération, celle des femmes qui ont autour de la cinquantai­ne aujourd’hui, doit oeuvrer pour faire exploser ce carcan dévalorisa­nt. Car la cinquantai­ne n’est pas nécessaire­ment un cap fatal. Ce peut être un moment de libération, quand un certain nombre d’obligation­s s’envolent. Ce peut être aussi un âge d’épanouisse­ment sexuel : on se connaît parfaiteme­nt, on peut jouer avec son désir, l’approfondi­r, élargir ses horizons. A nous de réinventer notre âge.

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« La cinquantai­ne n’est pas un cap fatal », explique la chercheuse.
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