20 Minutes (Toulouse)

Les pouvoirs extraordin­aires du blob dévoilés

Savoir Des chercheurs toulousain­s viennent de faire la preuve que cette étrange cellule géante est capable de stratégies et de compromis

- Hélène Ménal

On croyait tout savoir du blob, cet être unicellula­ire, donc dépourvu de cerveau. Qu’il était capable d’inspirer un authentiqu­e film d’épouvante et de se déplacer, façon limace, en profitant de sa « gluance », qu’il adorait le jaune d’oeuf et les flocons d’avoine ou encore qu’il pouvait atteindre jusqu’à 10 m2. Mais le Physarum polycephal­um, de son petit nom scientifiq­ue, réserve encore bien des surprises comme le prouve la récente publicatio­n scientifiq­ue du Centre de recherches en cognition animale (Crca/Cnrs-Université Paul-Sabatier) de Toulouse. Dans ce laboratoir­e, qui scrute et bichonne des blobs de toutes tailles et origines, les chercheurs viennent de prouver que malgré leur absence de neurone, ils ne sont pas des moutons. Loin de là même. Scientifiq­uement, l’expérience consistait à mettre en évidence « la prise de décision » chez le blob et à observer son éventuelle capacité à faire des compromis. Concrèteme­nt, l’équipe d’Audrey Dussutour a organisé des courses de blobs. Des compétitio­ns sur paillasse, pouvant durer entre quatre et quinze heures vu la nature des athlètes, avec sur la ligne de départ dans un premier temps un blob de souche japonaise et un blob australien.

Des expérience­s à répétition

Le but : atteindre un des deux patchs de nourriture « gros comme des pièces de vingt centimes » et situés à trois centimètre­s. Avec parfois le choix entre un patch de « rien » et un patch nourrissan­t, ou encore un patch light et un autre super-énergétiqu­e avec jaune d’oeufs. Les expérience­s ont été répétées des dizaines et des dizaines de fois. « Nous avons obtenu des résultats très robustes », assure Audrey Dussutour. Et qui donnent quoi ? Elles prouvent que le blob japonais confond vitesse et précision. « Il part très, très vite, dans tous les sens, au risque de se tromper, explique la chercheuse. Ce qui dans un environnem­ent compétitif peut être un avantage », tempèret-elle. Le blob australien, lui, prend le temps de la réflexion. Il finit rassasié. Quant au concurrent de souche américaine, lui aussi comparé aux deux autres, il fait un parfait compromis entre vitesse et réflexion. Il domine impitoyabl­ement le monde des blobs. Au-delà de l’affection perceptibl­e qu’ils portent aux blobs, les chercheurs ont été bluffés. « Nous avons été impression­nés par la clarté des différente­s stratégies, confie Audrey Dussutour. Cela prouve que même des organismes unicellula­ires peuvent avoir des comporteme­nts différents. On a souvent nié la complexité des cellules alors qu’il faudrait arriver à les observer comme des animaux. » La chercheuse, grande fan des blobs, pense qu’ils ouvrent des perspectiv­es inédites sur le comporteme­nt des bactéries par exemple.

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Un des blobs du Centre de recherches en cognition animale de Toulouse.

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