Instadrame
Des sites naturels, mis en valeur sur les réseaux sociaux, sont menacés par l’afflux de touristes.
De magnifiques eaux turquoise nichées au coeur d’un paisible sous-bois. Depuis près de deux semaines, les sources de l’Huveaune, au pied du massif de la Sainte-Baume, à Nans-les-Pins (Var), voient défiler chaque week-end des milliers de visiteurs, contre 40 en temps normal. Tous sont venus photographier ce paysage tout droit sorti d’une carte postale. Une soudaine notoriété que le village de 4 500 âmes doit à une série de photos postées le 18 mars sur les réseaux sociaux par le compte Bienvenue à Marseille. Mais « nous ne pouvons pas accueillir autant de monde à la fois (…), dénonce Pierrette Lopez, la maire. Des barrières ont été cassées, des détritus en tout genre jonchaient partout le sol. » Résultat, l’édile a été contrainte de prendre un arrêté municipal pour interdire le stationnement à l’entrée du sentier. Les sources de l’Huveaune ne sont pas un cas isolé. Partout dans le monde, on note une recrudescence des dégradations et des comportements irrespectueux de la part des instagrameurs et autres blogueurs, qui menacent la préservation de sites naturels classés ou protégés. Début mars, dans le parc naturel de Lake Elsinor (Californie), la floraison des coquelicots autour de la ville ( superbloom) a soudainement attiré nombre d’influenceurs, suivis par leurs communautés, qui a piétiné les fleurs qu’elles étaient venues admirer. Des internautes ont alors posté des commentaires négatifs sous les photos partagées, popularisant ainsi le hashtag #Horribleperson (« horrible personne »). Pour les défenseurs de l’environnement et les acteurs d’un développement du tourisme durable, il y a urgence à agir.
Des outils pour anticiper ?
« Il faut apprendre à gérer de telles situations, reconnaît Guillaume Cromer, président de l’ONG Acteur pour un tourisme durable et directeur d’ID Tourisme. Nous vivons dans une société où les gens ont besoin de se reconnecter à la nature. C’est quelque chose qui va se développer. Tout l’enjeu, c’est de pouvoir anticiper ces phénomènes. » Selon lui, les nouvelles technologies seraient un allié : « Les algorithmes pourront bientôt mesurer “l’instagramabilité” d’une photo et croiser tout un tas de données et de paramètres (météo…) qui feront que les pouvoirs publics ne seront plus pris au dépourvu. »
Des actions futures qui n’empêchent pas aujourd’hui d’effectuer des campagnes de communication à destination des influenceurs. Les vignerons, qui en ont eu assez de retrouver leurs vignes saccagées, ont distribué l’an dernier des plaquettes d’information dans certains offices de tourisme. Instagram même a fait des efforts. Interpellée par l’ONG Société mondiale de protection des animaux, la plateforme a décidé de compliquer les recherches de photos nuisibles à la faune et la flore en affichant systématiquement un message lorsqu’un utilisateur fait une recherche avec des hashtags associés à ces thèmes.