Une attente monumentale
Après l’incendie vient le temps de la reconstruction. Emmanuel Macron table sur cinq ans, les spécialistes sur dix à quinze ans.
L’émotion suscitée par l’incendie de Notre-Dame de Paris lundi soir a amplement dépassé le cadre de la communauté catholique. « C’est un jalon de notre histoire commune, une manifestation de l’art gothique et un pan de l’humanité, justifie Marie-Laure Lavenir, directrice générale d’Icomos, principale ONG pour la préservation du patrimoine mondial. C’est d’ailleurs en voyant les réactions de tous les pays du monde que nous visualisons mieux le concept de “patrimoine de l’humanité”. » Et de citer pêle-mêle d’autres édifices religieux ayant au fil des siècles dépassé leurs seules fonctions spirituelles : SainteSophie à Istanbul, le Wat Phra Kaeo à Bangkok, ou Abou Simbel en Egypte, « alors que dans ce dernier cas, il s’agit d’une religion morte depuis longtemps ». « Je ne suis pas croyant et, pour être honnête, ça fait des années que je ne suis pas entré, mais cela ne m’empêche pas de l’admirer à chaque fois que je la vois, confirme Ivan, un Parisien de 29 ans. Même si c’est un édifice religieux, la cathédrale représente bien plus, elle représente l’unité nationale. » S’ils sont entre 12 et 14 millions à visiter le monument chaque année, ils sont encore bien plus nombreux, comme Ivan, à s’arrêter devant et à admirer son imposante façade. « NotreDame est inscrite dans l’espace public parisien et dans la carte postale imaginaire qu’on se fait de la France, relève Emmanuelle Lallement, ethnologue et professeure à l’Institut d’études européennes de Paris-8. Elle est inscrite dans le grand récit de Paris et de la France. » Pour Thibault Le Hégarat, docteur en histoire contemporaine, « c’est un monument où tout le monde a investi des souvenirs, des émotions, des symboles. C’est de la culture populaire tant de nombreuses oeuvres y font référence. » En l’occurrence un roman, un dessin animé, une comédie musicale, des films… qui font que « cette église faisait partie du décor ».
Un « lien » tissé avec elle
Notre-Dame de Paris serait une sorte d’église du village, mais en version nationale, voire mondiale. « Il y a un sentiment de familiarité, une appropriation au-delà du religieux, où tout le monde tisse – par la culture, ses souvenirs d’enfance, ses habitudes – un lien avec elle », renchérit Anne Fornerod, chargée de recherche au CNRS autour du patrimoine religieux. Cette dernière conclut : « Le passé et l’avenir de ces bâtiments nous dépassent complètement. C’est un rapport au temps en décalage avec notre époque et avec notre condition. Aujourd’hui encore, on a du mal à se dire qu’on mettra sûrement une ou plusieurs décennies pour retrouver ce bâtiment historique comme il l’était [lundi] matin. »