20 Minutes (Toulouse)

Pionnier du rock en France, Dick Rivers était si cool

Nombreux sont ceux qui réduisaien­t Dick Rivers à sa banane et ses santiags. Le chanteur était pourtant bien plus que cela

- Anne Demoulin

L’image d’un rockeur un peu ringard, un peu has been, a longtemps collé aux santiags de Dick Rivers, décédé mercredi des suites d’un cancer. Un cliché qui doit beaucoup à Didier l’Embrouille, le personnage tout en beauferie et autoprocla­mé « le plus grand fan de Dick Rivers », créé par Antoine de Caunes dans « Nulle part ailleurs ». Le troisième parrain du rock’n’roll hexagonal a pourtant bâti, dans l’ombre de Johnny Hallyday et d’Eddy Mitchell, au gré de twist, rockabilly, ballades et rock garage, une oeuvre bien plus intéressan­te que ses rivaux du Golf Drouot. « Tout le monde me connaît mais personne ne sait ce que je fais », s’amusait l’éternel outsider. Et si, comme Johnny Cash aux Etats-Unis, le vieux baryton du rock était en réalité du côté du cool ?

Avec sa voix rauque et son déhanché impeccable, Dick Rivers a participé à l’importatio­n du rock’n’roll en France. « Malheureus­ement (ou heureuseme­nt) pour moi, je fais partie de ceux qui ont été biberonnés au rock’n’roll avant le reste des Français, soutenait-il. Mais le vrai rock, celui qui nous colle, il est mort le jour où Elvis est parti à l’armée. »

Découvreur de talents

Le parent pauvre du triumvirat national ne s’est jamais plié aux diktats des modes. « Musicaleme­nt, j’assume tout ce que j’ai fait, expliquait-il. Je n’ai jamais enregistré de la soupe pour être à la mode et je trouve que je continue à évoluer assez honorablem­ent. J’en ai marre d’être sous-évalué, mais on arrive à un moment où cette authentici­té devrait finir par payer. Je sens un respect à défaut de véritable reconnaiss­ance. » Ainsi, en 1965, Dick Rivers est le seul artiste français à être invité par John Lennon et Paul McCartney pour une émission programmée juste avant Noël, « The Music Of Lennon&McCartney ». Il a aussi collaboré avec des guitariste­s exceptionn­els comme Albert Lee, Steve Cropper, James Burton, Mick Taylor, Jimmy Page, Chris Spedding, Charlie Sexton, François Bodin, ou encore Oli le Baron.

Entre 1972 et 1974, Alain Bashung compose et coréalise avec lui trois albums. Sous le nom de Rock Band Revival, le duo enregistre un album de standards américains, chacun chantant une chanson. « J’ai toujours été, soit un découvreur de talent, soit un utilisateu­r de jeunes, disait-il. Je n’ai jamais travaillé, ou très peu, avec des gens de ma génération. Je suis quelqu’un qui a besoin de rêver, de construire. Je suis un éternel débutant. » Dans les années 2000, tous les membres de la jeune garde (Matthieu Chedid, Benjamin Biolay, Mickey 3D, Mathieu Boogaerts) écrivent avec lui.

« Je ne voulais pas être comme les autres. Et je pense que c’est réussi », se réjouissai­t Dick Rivers en 2012. Et à ceux qui le trouvaient ringard, il répondait : « Je leur dis merde. Je n’oblige personne à m’aimer. »

 ??  ??
 ??  ?? Dick Rivers était un des trois parrains du rock’n’roll français.
Dick Rivers était un des trois parrains du rock’n’roll français.

Newspapers in French

Newspapers from France