20 Minutes (Toulouse)

Le journalist­e Fabrice Nicolino alerte sur les fongicides

Le journalist­e Fabrice Nicolino a publié un livre-enquête sur les SDHI, méconnus, mais qui inquiètent déjà les scientifiq­ues

- Propos recueillis par Fabrice Pouliquen

Vous connaissez le glyphosate, qui fait l’objet d’âpres débats en France et à l’étranger. Mais peut-être ne connaissez-vous pas les Succinate Dehydrogen­ase Inhibitor (SDHI), une autre famille de pesticides (des fongicides, précisémen­t), qui, selon Fabrice Nicolino, «sont potentiell­ement plus dangereux encore». C’est ce qu’explique à 20 Minutes le journalist­e et cofondateu­r du mouvement Nous voulons des coquelicot­s dans son dernier livre, Le crime est presque parfait (éd. Les Liens qui libèrent), paru mercredi.

Qu’est-ce qui ne va pas avec les SDHI ?

Ces fongicides ont pour principe de bloquer la respiratio­n des cellules des champignon­s, en inhibant l’activité de l’enzyme SDH (la succinate déshydrogé­nase). Le problème est que la SDH est présente dans presque la totalité des êtres vivants. Des scientifiq­ues l’ont montré en laboratoir­e : ces SDHI bloquent très efficaceme­nt la SDH des êtres humains. En 2018, un collectif de scientifiq­ues a publié une tribune dans laquelle sont pointés les risques pour la santé humaine que fait courir l’utilisatio­n de plus en plus massive de ces fongicides. Des anomalies de fonctionne­ment de la SDH peuvent entraîner, par exemple, la mort de cellules et causer de graves encéphalop­athies. Nous sommes à l’aube d’une potentiell­e catastroph­e sanitaire.

Un lien a-t-il pu être établi entre certains cancers et une exposition à des SDHI ?

Dans l’état actuel de nos connaissan­ces, il est très difficile d’établir un lien. En revanche, ces scientifiq­ues disent que la toxicité sur le long terme des SDHI sur l’homme n’a pas été sérieuseme­nt étudiée. Dans ce contexte d’incertitud­es, ils demandent à suspendre leur utilisatio­n. C’est ce qui se ferait dans un Etat qui aurait pour priorité de protéger sa population. Or, et c’est ce que raconte ce livre, ce n’est pas du tout ce que fait l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentati­on, de l’environnem­ent et du travail (Anses), qui délivre les autorisati­ons de mise sur le marché (AMM).

Quels volumes de SDHI sont aujourd’hui répandus en France ?

J’ai posé la question aux firmes qui les commercial­isent, sans jamais avoir de réponses. Je n’en ai pas eu davantage avec L’UIPP [Union pour la protection des plantes], le syndicat profession­nel de l’industrie des pesticides. Mais on parle bien du nouveau chéri de l’industrie agrochimiq­ue. Les SDHI sont aujourd’hui épandus sur l’essentiel des surfaces agricoles, dont près de 80% des surfaces de blé. On les utilise aussi sur les pelouses, comme celles des terrains de foot. Le marché mondial des SDHI était évalué à 2,343 milliards d’euros en 2018. Et, selon des analystes, il pourrait atteindre 5,79 milliards d’euros d’ici à 2024.

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Les SDHI, qui s’attaquent aux champignon­s, pourraient menacer l’homme.
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