Un séisme au premier tour, et après?
Lundi, au lendemain du premier tour de la présidentielle en Tunisie, deux candidats « antisystème» assuraient être qualifiés pour le second tour. Pourtant, Nabil Karoui, homme d’affaires emprisonné pour des soupçons de blanchiment et fraude fiscale, et Kais Saied, universitaire indépendant, ne sont «pas si “antisystème” que ça, mais le produit d’une transition qui a marginalisé la question du politique», analyse Amel Boubekeur, chercheuse en sociologie à l’ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). Pour Kmar Bendana, professeure émérite d’histoire à l’université de La Manouba et chercheuse associée à l’institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC), «l’immense dispersion des candidats [au nombre de 24]» mais aussi la notoriété des deux hommes ont incité les électeurs à voter pour eux, au détriment d’un projet politique fort.
Nabil Karoui a été acteur de la victoire de l’ex-président Béji Caïd Essebsi, « qui s’est construit une image de bienfaiteur» et de défenseur des plus démunis, tout au long de sa campagne de proximité. Quant à Kais Saied, son expertise en droit constitutionnel a été beaucoup sollicitée lors de l’écriture de la Constitution. Mais « aucun des deux n’a de véritable projet politique », souligne Kmar Bendana. Elle voit dans le choix de ces candidats l’expression d’« un sentiment de révolte» de la part de certains Tunisiens, notamment les déçus du Printemps arabe, qui dénoncent un scrutin truqué ou qui attendent simplement d’être pris en considération par le gouvernement.
«Cette élection est un signal fort pour qu’on se secoue », juge Kmar Bendana.