20 Minutes (Toulouse)

Un regard différent sur la question des migrations

Grand Prix du jury à Cannes, ce film est bien plus qu’une histoire d’amour contrariée et de migration

- Stéphane Leblanc

Parler des migrants non pas comme des êtres à la dérive, mais comme des jeunes gens qui, souvent du jour au lendemain et sans prévenir personne, prennent la mer dans l’espoir d’un avenir qui ne peut être que meilleur… Tel est le point de départ d’atlantique, qui fut un court métrage avant d’en devenir un long, le premier film de Mati Diop, Franco-sénégalais­e qui fut actrice et plasticien­ne avant d’être réalisatri­ce. Mais Atlantique n’est pas qu’une histoire de migration, un drame social, politique et humain. C’est d’abord une histoire d’amour contrariée, qui se mâtine de polar avant de devenir une fable fantastiqu­e. C’est une perle délicate et rare qui traite son sujet en cherchant à l’ouvrir à toutes les possibilit­és qu’offre le cinéma de genre, en lui apportant une dimension mythologiq­ue et universell­e.

Amoureux emblématiq­ues

Atlantique est le premier film d’une femme africaine récompensé par le Grand Prix du jury, soit la deuxième récompense par ordre d’importance. C’est dire le caractère essentiel de cette oeuvre. Mais un sujet d’actualité brûlant ne suffit évidemment pas à faire un bon film. Si le Francomali­en Ladj Ly propose avec Les Misérables un film coup-de-poing sur les tensions dans les quartiers d’ile-de-france, Mati Diop a éprouvé au contraire «le besoin de retourner à ses origines africaines pour proposer, de làbas, un regard différent de celui que les médias portent sur les migrations». Et raconter les espoirs que de telles traversées suscitent chez ces jeunes, très nombreux, qui fuient le chômage avec la perspectiv­e d’un autre futur. Tel Shakespear­e dans Roméo et Juliette, Mati Diop s’est choisi un couple d’amoureux emblématiq­ue : Ada, jeune fille promise à un garçon issu d’une famille aisée, et Souleiman qui, de dépit, va tenter de traverser un océan qu’il ne voit pas comme un obstacle, mais comme «une force surnaturel­le complice de son départ en mer ». S’ensuivent des événements inexpliqué­s : incendies sans départ de feu, enquête policière, histoire de vengeance et esprits des naufragés qui reviennent en prenant possession du corps des vivants… Mati Diop reconnaît l’influence de cinéastes comme le Thaïlandai­s Apichatpon­g Weerasetha­kul. Comme lui, elle croit aux histoires de fantômes. Celle-ci en est une, qu’elle raconte avec grâce et talent.

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Mama Sané est Ada, la moitié du couple au centre d’atlantique.

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