Amer cacao
Moins médiatisée que celle de l’huile de palme ou du soja, la culture du cacao se fait aussi au détriment de la forêt, surtout en Afrique de l’ouest.
C’est bon, mais pas trop. A l’occasion de la Journée mondiale du chocolat (qui a été célébrée mardi), 20 Minutes s’est penché sur la question de la surproduction du cacao. La surface consacrée à cette culture a plus que doublé depuis les années 1970, passant de 4 millions d’hectares à 10 millions d’hectares aujourd’hui sur la planète, rappelle l’iddri (Institut du développement durable et des relations internationales) dans une étude cosignée Frédéric Amiel et Yann Laurans. Or, « si elle est moins dans le collimateur des ONG environnementales [que celles de l’huile de palme et du soja], la culture du cacao est aussi un facteur important de déforestation, explique Frédéric Amiel. Sur les 6 millions d’hectares gagnés depuis 1970, 2 à 3 millions l’ont été au détriment de la forêt. »
Prise de conscience tardive
L’afrique de l’ouest est la première touchée. C’est là que sont les principaux pays producteurs de cacao : le Nigeria, le Cameroun, mais, surtout, la Côte d’ivoire et le Ghana, qui représentent à eux deux 60 % de la production mondiale. Et l’iddri craint désormais que d’autres aires soient menacées avec l’arrivée sur le marché de nouveaux pays producteurs, notamment le Gabon et le Congo-brazaville, en Afrique centrale.
La prise de conscience par la filière chocolat de l’impact environnemental a été tardive. « Nous nous sommes sans doute plus d’abord orientés sur des questions sociales et, notamment, au début des années 2000, sur le travail des enfants, l’un des problèmes majeurs de la culture du cacao », reconnaît Florence Pradier, secrétaire générale du Syndicat du chocolat, qui regroupe une centaine d’entreprises qui produisent et commercialisent du chocolat. Mais d’ajouter que « la filière ne partait pas de zéro non plus. Plusieurs entreprises avaient déjà adopté, parfois depuis longtemps, des programmes de durabilité.» Le sujet reste complexe, car «il faut aussi se préoccuper de la rémunération des producteurs et de l’amélioration de la productivité des plantations », précise Florence Pradier. C’est tout l’objet de l’étude de l’iddri : passer au crible les différentes stratégies jusque-là mises en place par la filière chocolat. Des labels bio à ceux du commerce équitable, en passant par les engagements volontaires des entreprises. Ce qu’il en ressort ? Trop souvent, les labels et engagements volontaires des entreprises se focalisent sur les parcelles des producteurs avec lesquels ils travaillent, sans se préoccuper de ce qui se passe autour. L’iddri appelle donc la filière à prendre aussi en considération ces enjeux plus globaux. Cela passe par une plus juste rémunération des producteurs et une meilleure traçabilité du cacao pour s’assurer qu’il soit «zéro déforestation ». « Il est aussi urgent de se préoccuper de notre demande en cacao [et donc notre consommation de chocolat] et de la maintenir à un niveau supportable pour les écosystèmes actuels de production, glisse Frédéric Amiel. A ce jour, la logique est de partir de la demande pour calibrer ensuite la production. Il faut faire l’inverse. »