Aligner une équipe, une sacrée mission pour les Tonga
Opposés aux Français dimanche, les iliens ont eu du mal à construire leur groupe
C’est l’un des gestes de ce début de Mondial : un plaquage lunaire du Tongien Zane Kapeli sur l’anglais Billy Vunipola. Y avait-il un peu d’amertume dans ce contact ? Peut-être. Y en avait-il dans la réaction du coach des Tonga, Toutai Kefu, à la déclaration de Vunipola sur son sentiment d’appartenance au peuple tongien, en dépit de son choix de représenter le XV de la Rose ? Assurément : « Il a dit ça ? Il devrait jouer pour nous, alors.» On comprend sa frustration. Composer un groupe de 31 joueurs pour cette Coupe du monde a été une galère sans nom, et ça se ressent dans les résultats, avec deux défaites en deux matchs, avant d’affronter les Bleus dimanche. «C’est un défi auquel on est toujours confrontés, avec des joueurs qui se voient offrir un meilleur contrat pour rester [dans leur club] plutôt que d’aller au Mondial, expliquait le coach adjoint des Tonga, Pita Alatini, au site néo-zélandais Stuff. Ils ont besoin de prendre soin de leur famille.» Siua Maile, du haut de ses 22 ans, a aussi une famille à nourrir. A peine marié, papa depuis un mois, le talonneur a pourtant mis de côté son job de couvreur en Nouvelle-zélande pour représenter les Tonga au Japon. Si son employeur ne l’a pas renvoyé, il l’a prévenu : il ne lui versera pas un kopeck pendant cette parenthèse internationale. Une décision qui a poussé le club amateur de rugby de Shirley à lancer une collecte de fonds pour aider son joueur. Cagnotte ou pas, le bonhomme aurait quoi qu’il arrive fait ses valises pour le Japon, tant l’opportunité est tombée de nulle part. Siua Maile a été repéré par le staff grâce à une bouteille à la mer jetée sur Facebook. « Ça peut paraître marrant, mais c’est vraiment ce qu’il s’est passé, il nous fallait trouver un talonneur, racontait Dan Cron, membre du staff tongien. On l’a rencontré en arrivant à l’aéroport, sauf que personne ne savait à quoi il ressemblait!»
La façon dont le joueur a été repéré ressemble à celle utilisée pour son coéquipier Zane Kapeli. «Notre plus grande faiblesse est aussi notre plus grande force, reprend Dan Cron. On peut faire venir des joueurs dont personne n’a jamais entendu parler et les préparer à disputer des matchs internationaux de niveau mondial. Quand il a fallu trouver quelqu’un en urgence il y a un an, on a vu une vidéo de lui [Kapeli] à la lutte pour récupérer trois ballons aériens, et j’ai tout de suite su que Zane valait quelque chose. » En novembre 2018, le troisième ligne tongien célébrait sa première cape contre la Géorgie. Un an plus tard, il se retrouve sous les projecteurs pour son plaquage sur Vunipola et suscite déjà l’intérêt de Bordeaux. Le rêve américain sauce Pacifique.
« On peut faire venir des joueurs dont personne n’a jamais entendu parler. » Dan Cron, coach adjoint tongien