La France devrat-elle rapatrier ses djihadistes ?
L’offensive turque à la frontière syrienne contre les Kurdes contrarie le pouvoir français, qui refuse de rapatrier ses ressortissants
Entre 400 à 500 combattants français se trouveraient toujours dans les geôles et camps tenus par les Kurdes dans le nord-est de la Syrie. L’offensive turque contre les forces kurdes, démarrée mercredi, rebat toutes les cartes. La ministre des Armées, Florence Parly, l’a reconnu dans un tweet mercredi, « l’offensive turque dans le Nord-est syrien est dangereuse. Dangereuse pour la sécurité des Kurdes. Dangereuse car elle est propice à Daesh, contre qui nous nous battons depuis cinq ans. » Depuis l’automne 2017, la France refuse de rapatrier ses ressortissants et laisse ses alliés « gérer » la détention des djihadistes étrangers capturés.
« Si les affrontements entre Kurdes et Turcs s’intensifient, la priorité des Kurdes sera de rester en vie et de défendre leurs populations. Ils diront au monde entier et notamment aux Européens : occupez-vous de vos prisonniers ! », analyse Karim Pakzad, chercheur à l’institut de relations internationales et stratégiques.
Une avocate en colère
Dans une déclaration officielle diffusée le 7 octobre, le Quai d’orsay déclarait : « Les combattants terroristes qui sont en détention, y compris ceux de nationalité étrangère, doivent faire l’objet d’un jugement là où ils ont commis leurs crimes. Ce jugement et leur détention sûre dans le nord-est de la Syrie sont par ailleurs un impératif de sécurité pour éviter qu’ils ne viennent renforcer les rangs des groupes terroristes. Toute initiative pouvant remettre en cause ces objectifs doit être évitée. » Avocate de plusieurs femmes françaises détenues, Marie Dosé peine à cacher sa colère : « Voilà deux années que je dis que les rapatriements sont inéluctables, d’un point de vue humanitaire mais aussi sécuritaire. Ce qui se passe a été anticipé par tous les spécialistes de l’antiterrorisme, sauf par le gouvernement français. » La Maison-blanche préconise de faire passer les djihadistes européens, dont les capitales refusent le rapatriement, sous la « responsabilité » des Turcs. Une solution rejetée par la France. « Ce serait inacceptable moralement, commente Karim Pakzad, cela reviendrait à dire à la Turquie : on vous laisse détruire les forces kurdes si vous vous occupez de nos prisonniers ! » Contacté par L’AFP, le représentant kurde des Forces démocratiques syriennes, Khaled Issa, s’est montré rassurant : « Sur les djihadistes [étrangers], notre coopération [avec la France] continue dans des conditions difficiles. On maintient avec force et rigueur notre coopération. » Marie Dosé, elle, est particulièrement pessimiste quant au sort des djihadistes français et de leurs familles : « Soit ils vont finir par mourir sous les bombes d’erdogan, soit ils vont se disperser. C’est ce qu’il s’était passé en Irak. On fabrique du terrorisme. C’est un immense scandale. »