La fédé internationale dans la tourmente à cause de la météo
Après l’annulation de matchs, l’organisateur du Mondial est critiqué
Il y a d’abord l’argument de raison. Face à la violence du typhon Hagibis, il était sage de ne pas mettre en péril la santé des fans ou des joueurs. Même pour un Angleterre-france du Mondial. Mais ne pas avoir d’autres solutions que d’annuler des matchs prévus ce week-end est impardonnable de la part de World Rugby, la Fédération internationale. «Tenir une compétition au Japon sur cette période, c’est assez scabreux, reconnaît Guy Piéra, ex-responsable de la sécurité à la FFR et organisateur de matchs lors des Mondiaux 1999 et 2007. Ils le savaient. Est-ce de l’amateurisme, de l’inconscience, de l’autopersuasion que ça [un typhon] n’arrivera pas ? »
«C’est étonnant qu’il n’y ait pas eu de plan B en réserve.» Philippe Saint-andré, ancien sélectionneur des Bleus
Ce qui est sûr, c’est que «dès le moment où il y a eu une candidature du Japon, il aurait fallu anticiper et prévoir le pire, souffle Marc Lièvremont, l’ancien sélectionneur des Bleus. Ça, c’est le boulot de World Rugby, et c’est quand même assez léger de ne pas l’avoir fait. » Audelà de n’avoir rien prévu en amont, l’instance semble aussi naviguer à vue. Jeudi, au fur et à mesure que le danger Hagibis se précisait, l’instance dirigeante a d’abord envisagé l’idée de délocaliser certains matchs pour les jouer à huis clos et sous toit, avant de se rabattre sur une simple annulation. «C’est étonnant qu’il n’y ait pas eu de plan B en réserve », questionne un autre ancien sélectionneur, Philippe Saint-andré.
Les Italiens souffrent aussi de ce manque d’anticipation. Pour ce qui devait être le dernier match international de sa carrière, le capitaine, Sergio Parisse, n’aura pas le droit d’affronter les All Blacks, car la rencontre a aussi été annulée. «Si la Nouvellezélande avait [eu] besoin de quatre ou cinq points contre nous, [le match] n’aurait pas été annulé, s’est énervé le joueur de Toulon. Bien sûr, tout le monde pourrait penser que l’annulation du match ne compte pas, parce que nous aurions perdu de toute façon, mais nous méritons d’être respectés en tant qu’équipe.»
World Rugby, réputée pour faire que peu de cas des petits pays, peut s’asseoir sans problème sur les complaintes d’une Italie à la ramasse. Mais la manière soulève quelques interrogations. Car quid de l’ecosse, potentiellement éliminée si sa rencontre contre le Japon est annulée, dimanche ? « Les mecs se sont préparés comme des bêtes depuis des mois, ils allaient jouer un match de rêve avec possibilité de qualification en quart, s’indigne Philippe Saint-andré. Là, il risque de ne jamais avoir lieu.» Sans compter que le reste de la compétition va être faussée. « Les Français, les Anglais et les Blacks auront joué un match de moins, poursuit PSA. Ça pose un vrai problème, car un match de moins, c’est plus de fraîcheur physique, moins de blessures… Ça donne un avantage considérable.» Réputée pour prendre des décisions aussi opaques qu’incohérentes et arranger les affaires des pays anglo-saxons, afin de soigner davantage son bilan comptable, World Rugby n’a pas été plus incompétente que d’habitude. C’est juste que, cette fois, le monde entier peut s’en rendre compte.