20 Minutes (Toulouse)

La suppressio­n d’un outil de mesure des violences inquiète

Des associatio­ns dénoncent la suppressio­n de l’organisme chargé, entre autres, des études annuelles sur les violences sexuelles

- Hélène Sergent

Pour le grand public, c’est un sigle un peu barbare. Mais pour les acteurs de terrain et les associatio­ns, L’ONDRP, ou Observatoi­re national de la délinquanc­e et des réponses pénales, était une véritable mine d’or. Chaque année depuis 2007, cet organisme publiait le résultat d’une enquête intitulée «Cadre de vie et sécurité» (CVS). A l’intérieur, on retrouvait l’ensemble des chiffres liés à la délinquanc­e, aux sanctions pénales et aux violences exercées en France. Mais le 4 octobre, Edouard Philippe, le Premier ministre, a annoncé la disparitio­n fin 2020 de cet observatoi­re et de son organisme de tutelle, l’institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ). Depuis, les associatio­ns de lutte contre les violences sexuelles et violences faites aux femmes s’inquiètent.

«Ce qu’on ne mesure pas n’existe pas, dénonce Caroline de Haas, militante féministe et membre du collectif #Noustoutes. A partir du moment où on ne dispose pas de chiffres, on se retrouve dans l’incapacité de mobiliser les différents acteurs et d’évaluer l’efficacité des mesures mises en place pour lutter contre la violence.» Mais aussi de savoir quel budget allouer à telle ou telle action de sensibilis­ation ou pour développer tel ou tel dispositif expériment­al.

Un «transfert», selon Matignon

Au planning familial, par exemple, les chiffres collectés dans ces enquêtes permettaie­nt, notamment, de «savoir que les violences sexuelles se déroulent davantage dans la sphère familiale, et ainsi de nous orienter lors d’actions de dépistage de violences sexuelles», explique la coprésiden­te Caroline Rebhi. Si la disparitio­n en l’état de L’ONDRP inquiète tant, c’est aussi parce que le mode d’enquête de l’observatoi­re était unique en la matière. L’enquête « Cadre de vie et sécurité » était menée chaque année en partenaria­t avec l’insee et le service de statistiqu­es du ministère de l’intérieur. «C’était un outil de mesure de la délinquanc­e beaucoup plus fiable que les seuls chiffres du ministère, puisque les résultats n’étaient pas soumis aux seuls dépôts de plainte», souligne Christophe Soullez, chef de L’ONDRP.

La décision de supprimer cet observatoi­re découle du «travail de simplifica­tion de l’etat et de suppressio­n des agences, qui a commencé», a expliqué le cabinet d’edouard Philippe à L’AFP, le 8 octobre. Contacté par 20 Minutes, Matignon a précisé que l’organisme n’était pas «supprimé», mais «transféré à l’insee». Les contours de ce transfert restent flous, selon le patron de L’ONDRP : «On ne sait pas vraiment où ni comment cela va se traduire concrèteme­nt.» En attendant, l’enquête «Cadre de vie et sécurité» devrait définitive­ment cesser en 2022. Or, « en l’état, il n’y a pas d’équivalent, martèle Christophe Soullez. En supprimant ce suivi des violences sexuelles, on va casser un précieux thermomètr­e. »

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Manifestat­ion contre les violences faites aux femmes le 9 septembre à Paris.

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