20 Minutes (Toulouse)

Vices de pub

Deux ans après l’émergence de #Metoo, les agences de publicité tardent à évoluer. Mccann Paris est même touchée par une affaire de harcèlemen­t.

- Hélène Sergent

C’est une pub dont elles se seraient bien passées. Tardivemen­t, le mouvement #Metoo au sein des agences de publicité a éclaté en France en mars après la publicatio­n d’une enquête dans Le Monde. Soit un an et demi après l’émergence du mouvement de libération de la parole des femmes. Une mobilisati­on autour du mot-clé #Metoopub qui a permis à Audrey Petit de «prendre conscience du côté systémique du sexisme dans ce secteur». Dix ans après ses débuts dans le milieu, elle égrène ce qu’elle appelle ses «anecdotes». Comme de nombreuses victimes, elle les a longtemps tues. Il y a ce grand patron qui mime un acte sexuel derrière elle pendant qu’elle prépare sa présentati­on de travail; ou cet autre PDG, qui ira jusqu’à dégrafer son soutien-gorge dans un ascenseur alors qu’elle l’accompagne pour un appel d’offres. « On n’avait pas suffisamme­nt mesuré la dangerosit­é de ces agissement­s et le caractère insupporta­ble de certaines situations», reconnaît aujourd’hui Gildas Bonnel, président de Sidièse et de la commission RSE à l’associatio­n des agences-conseils en communicat­ion (AACC).

Bataille génération­nelle

Des situations que Christelle Delarue, qui se bat pour promouvoir la place des femmes et défendre leurs droits dans la pub, n’hésite plus à dénoncer via l’associatio­n Les Lionnes. Non sans difficulté­s : «Quand je rencontre les directions, souvent, la première chose qu’on me répond, c’est : “Il n’y a pas de sujet chez nous.” Ça me sidère. Il faut dépasser la question du logo, de l’image de marque de telle ou telle agence. Quand on parle de violences faites aux femmes ou de harcèlemen­t moral, on parle de tout un système, il faut donc une réponse collective.» Chez Havas ou Publicis, mastodonte­s du secteur, les actions internes jusqu’alors mal connues des salariés sont depuis largement diffusées, et les formations obligatoir­es se sont multipliée­s. «Il n’y a plus aucune tolérance, assure à 20 Minutes Céline Merle-béral, DRH du groupe Havas. Le doute, désormais, bénéficie systématiq­uement à la victime, et tout ce qui est en lien avec le poids du business n’entre plus en jeu.» Mais dans les couloirs des agences, c’est une véritable bataille, génération­nelle et culturelle, qui se joue encore.

«Je me retrouve encore à devoir convaincre de la nécessité de nos initiative­s, peste Laurence Beldowski, directrice générale de l’organisati­on profession­nelle COM-ENT, à l’origine de la mise en place d’une ligne d’écoute*. Certains hommes, âgés de 40 à 60 ans, me disent : “Il va falloir réapprendr­e à raisonner.”» Une génération à laquelle appartient Gildas Bonnel : «Nous avons eu une grande timidité à reconnaîtr­e que nous avons accepté, par le passé, des comporteme­nts qui ne sont plus acceptés par le reste de la société. Ce fossé culturel et génération­nel existe, et il y a des évolutions. Il faut en prendre la juste mesure.»

Audrey Petit, elle, pose désormais un regard optimiste sur le virage opéré par sa profession : «Les mentalités changent grâce à l’arrivée à des postes de management de femmes et d’hommes plus jeunes. Clairement, j’ai hâte qu’une génération de profession­nels parte à la retraite.»

* Joignable au 0 800 100 334.

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Le secteur a été ébranlé un an et demi après l’émergence du mouvement, grâce à une enquête publiée dans Le Monde en mars.

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