20 Minutes (Toulouse)

Elle dénonce les maltraitan­ces dans les Ehpad

Aide-soignante à Marseille, Hella Kherief dénonce la maltraitan­ce dans les Ehpad

- Propos recueillis par Mathilde Ceilles

« En 2013, après avoir travaillé cinq ans comme auxiliaire de vie, j’ai choisi de travailler en maison de retraite, c’était une vocation, se souvient Hella Kherief, qui s’est confiée à 20 Minutes dans le cadre de sa série sur les lanceurs d’alerte. Une semaine après avoir été diplômée, j’ai été embauchée en intérim dans un Ehpad du 8e arrondisse­ment de Marseille. Puis, on me propose un CDI. Rapidement, quand il manque du personnel, en arrêt maladie, on se retrouve en sous-effectif. Tu dois alors prendre la charge de travail des autres.

Un dimanche, il manque une aide-soignante dans mon secteur, celui des malades d’alzheimer. Je me retrouve avec 30 résidents pour moi toute seule. J’entends quelqu’un hurler mon prénom. Au salon, Mme B. est debout sur une chaise et se penche en avant. On est au cinquième étage. Elle veut se suicider. On arrive à la faire rassoir sur sa chaise.

Je décide d’alerter dans une transmissi­on l’ensemble du groupe, et j’alerte également l’agence régionale de santé et l’inspection du travail sans que ma direction le sache. Le lendemain matin, ma directrice me dit qu’avoir alerté l’ensemble du groupe est inadmissib­le et me donne son portable pour l’appeler si ça se reproduit. Mais ensuite, rien n’a changé. Peu de temps après, une patiente a une infection urinaire. Je dois la changer plus souvent et j’ai besoin d’une couche supplément­aire. Je demande au cadre de santé, qui me répond qu’il en est hors de question. Dans le même temps, une collègue rencontre une journalist­e de France Culture. Elle lui explique ce qui se passe dans notre maison de retraite. Ma collègue lui laisse mon numéro. Trois semaines après, j’accepte de témoigner aux côtés de mes collègues, sans réfléchir. A l’époque, je ne sais même pas ce qu’est une lanceuse d’alerte. C’est la colère qui parle à ce moment-là. Je voulais juste que les gens comprennen­t ce qu’est une maison de retraite en France en 2016. Deux jours après l’incident de la couche, je suis convoquée en vue d’un licencieme­nt. Puis je suis licenciée pour faute grave. Mes collègues sont également licenciées.

«Le gouverneme­nt ne fait rien pour les lanceurs d’alerte.»

Je me dis d’abord que j’aurais mieux fait de rester tranquille, comme tout le monde, et me taire. Puis je me suis dit qu’il fallait le faire. Ils ne savent pas qu’on laisse les gens baigner dans leur merde pendant cinq ou six heures sans aucune humanité. J’ai ensuite accepté les sollicitat­ions des autres médias pour que les gens comprennen­t. Puis j’ai écrit un livre il y a quelques mois, Le Scandale des Ehpad [éd. Hugo]. Le gouverneme­nt ne fait rien pour les lanceurs d’alerte. J’aimerais qu’une loi soit créée pour les protéger. Depuis, j’ai beaucoup de mal à trouver du travail, car avoir quelqu’un comme moi, qui a pu montrer du doigt, ça fait peur. »

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Hella Kherief a écrit Le Scandale des Ehpad, « pour que les gens comprennen­t».

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