Des scientifiques tordent le cou aux rumeurs sur le loup
La présence du canidé sur une partie du territoire suscite de nombreuses infox, combattues par les experts de l’animal
Elle court, elle court, la rumeur. « Demain, ce sera nos enfants », lance un éleveur en nous montrant trois photos de brebis saignées. Sur Facebook, une militante proloup écrit que les gardes de L’ONCFS (Office national de la chasse et de la faune sauvage) ont « secrètement tué un louveteau » dans la station de Valberg (Alpes-maritimes). Le maire de Draix (Alpes-de-hauteprovence), Pascal Serra, nous affirme, lui, que «c’est L’ONCFS qui a réintroduit le loup». Trois fake news.
« Il y a énormément de contre-vérités qui circulent, déplore Nicolas Jean, ingénieur spécialiste du loup à L’ONCFS. Le loup, c’est un sujet passionnel, donc on bascule dans l’irrationnel. » Chargé de ce dossier sensible, cet ingénieur fait ce qu’il peut pour lutter face aux rumeurs. Sur le terrain, ses agents, membres de la «brigade loup», font eux aussi un important travail de vulgarisation. Après une journée passée sur les crêtes à la recherche de l’animal, ils doivent répondre aux inquiétudes des habitants, persuadés qu’un « randonneur se fera bouffer un jour ». Olivier, membre de cette brigade, rappelle que, «même en recherche au sang sur des animaux blessés, on n’a jamais vu de loup agressif en France».
Une espèce peu connue
A chaque conférence qu’il donne, l’éthologue suisse Jean-marc Landry doit se livrer au même travail contre les fausses infos : « On me dit souvent que les loups français sont des hybrides de chiens, qu’ils attaquent l’homme et qu’ils vont vider les forêts du gibier. Tout ça est faux!» Il n’a pas vraiment de secret pour lutter contre les fake news, juste des armes de scientifique :
« J’apporte des preuves concrètes, notamment avec des vidéos. Et quand je ne sais pas, je le dis, ça rassure les gens. » Le loup reste une espèce peu connue en France. « Deux générations ont vécu sans le loup, absent du territoire entre 1930 et 1990», explique Nicolas Jean. Son institution, « entre le marteau et l’enclume», est critiquée de toutes parts. « L’ONCFS communique mal, ils sont parfois dans un déni qui ressemble à de la désinformation par omission », accuse ainsi Jean-luc Valérie, photographe animalier. Sa page Facebook, « L’observatoire du loup », affirme que des loups sont présents en Charente ou en Bretagne. Ce que dément L’ONCFS.
«Un naturaliste amateur ou un agriculteur peut raconter n’importe quoi, alors que, si c’est L’ONCFS qui le dit, il y a tout de suite des conséquences politiques, rappelle Jean-marc Landry. Sans leur rigueur, on verrait du loup partout!» Car l’animal fascine – au moins autant qu’il inquiète. « Le christianisme s’est servi de l’image du loup pour incarner le mal, car le prédateur qui s’attaquait aux brebis pouvait concerner tous les peuples, retrace l’éthologue. J’ai l’impression que l’homme a besoin d’un réceptacle pour ses propres vices. Le loup n’est-il pas, finalement, une sorte de miroir de ce que nous sommes?»