Rupture sur toute la ligne
Avec le recours au 49-3, l’exécutif passe en force sur la réforme des retraites, quitte à perdre gros aux élections municipales.
La rumeur enflait depuis quelques jours. Edouard Philippe y a mis fin, samedi, en confirmant que le gouvernement allait recourir à l’article 49-3 de la Constitution afin de faire adopter la réforme des retraites sans débat ni vote à l’assemblée nationale. Le politologue Stéphane Rozès (photo) revient sur les conséquences de cette décision.
Le gouvernement avait-il d’autre choix que de dégainer le 49-3 pour faire passer sa réforme des retraites ?
Habituellement, on utilise l’article 49-3 afin de discipliner une majorité récalcitrante. Ici, ce n’est pas le but. Le recours à cet article permet de faire passer cette réforme des retraites au forceps après un an de concertation sociale infructueuse et alors que l’opinion publique est toujours majoritairement défavorable au projet. Cela montre bien que, depuis le début, il y a un vice de forme avec cette réforme.
Plusieurs députés de la majorité critiquent le fait de ne pas avoir été prévenus avant l’annonce du Premier ministre. Quelles conséquences cela peut-il avoir sur le groupe parlementaire ?
Depuis 2017, une vingtaine de députés ont quitté le groupe, avec une accélération ces derniers mois. Cela montre un malaise sur le contenu de la réforme et, surtout, sur la façon dont elle a été gérée. Et puis, si l’on regarde les villes de plus de 50 000 habitants, on s’aperçoit qu’il y a des candidats dissidents dans un tiers d’entre elles environ. Cela valide la thèse du malaise interne.
L’annonce sur les retraites préfigure-t-elle une défaite de LREM aux municipales ?
Le soir de la défaite, on dira que c’est à cause de la réforme des retraites. Oui mais pas seulement. L’un des handicaps de LREM, c’est le manque d’ancrage local.
Tout cela va-t-il aussi avoir un impact sur Emmanuel Macron ?
Le lien entre le pays et Emmanuel Macron est profondément délité. Et je ne vois pas comment le restaurer, même face à une candidate comme Le Pen, qui a lancé la transformation du Rassemblement national en un parti plus gaulliste et moins d’extrême droite.
Faut-il craindre une flambée de mouvements contestataires ?
Oui, il est à redouter une montée de la radicalité animée par des groupes professionnels particulièrement meurtris. Je pense aux avocats. Mais tout un tas de professions risquent de vouloir se remettre dans l’opposition radicale.