La justice rejette l’expulsion d’un réfugié climatique
C’est inédit : la cour administrative d’appel de Bordeaux a refusé l’expulsion d’un sans-papiers au nom de critères climatiques
Serait-ce le premier jugement d’une cour administrative d’appel à consacrer le statut de réfugié climatique? « Oui, car effectivement, je n’ai pas connaissance d’une autre affaire où la justice aurait considéré, comme c’est le cas ici, que renvoyer une personne souffrant de problèmes respiratoires dans un des pays les plus pollués au monde l’exposerait à un risque d’aggravation de sa maladie, voire à une mort prématurée», savoure l’avocat toulousain, Ludovic Rivière.
Arrivé en France en 2011 pour fuir des persécutions, Sheel*, 40 ans, originaire d’une petite ville du Bangladesh à 200 km au nord de Dacca, la capitale, est aujourd’hui installé à Toulouse. Il y travaille dans un restaurant en tant que cuisinier serveur. Depuis 2015, il détient un titre de séjour temporaire en qualité d’étranger malade.
Et pour cause : il souffre d’un asthme allergique aux acariens et d’un syndrome d’apnée du sommeil sévère, qui nécessite au quotidien l’assistance d’un appareil respiratoire pour dormir. Cet équipement électrique doit faire l’objet d’une maintenance rigoureuse, avec le remplacement mensuel du masque, des filtres et des tuyaux. Sans compter, le traitement médicamenteux lourd qu’il doit suivre en parallèle.
Ne pas aggraver son état
Ce qui n’a pas empêché la préfecture de Haute-garonne de lui adresser, le 18 juin 2019, une obligation de quitter le territoire français. Car pour l’administration, « il peut bénéficier d’un traitement approprié dans son pays d’origine ». Ce n’est pas l’avis de son avocat, qui s’appuie sur un avis médical circonstancié, selon lequel « la prise en charge dans son pays d’origine n’est pas possible ». Celui-ci rappelle également que « le taux de particules fines mesuré dans l’air au Bangladesh se situe parmi les plus élevés au monde ». Quant au taux de mortalité lié à l’asthme, il est de « 12,92 pour 100 000 habitants, contre 0,82 en France ».
Le 15 juin 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l’obligation de quitter le territoire, sans pour autant brandir l’argument de la pollution atmosphérique comme critère dangereux. En revanche, le 18 décembre, la cour administrative d’appel de Bordeaux, saisie par le préfet de Haute-garonne, a été catégorique. Pour la cour, renvoyer Sheel dans son pays d’origine engendrerait « une aggravation de sa pathologie respiratoire». Sans compter qu’il « se trouverait confronté à des risques d’interruption de son traitement et à des dysfonctionnements de l’appareil respiratoire dont il a un besoin vital ».
Autrement dit, la justice a fait intervenir le critère climatique pour apprécier l’état de risque sanitaire d’un étranger malade. Et ça, c’est une première.
* Le prénom a été modifié