Le confinement et ses effets évalués depuis une grotte
Quatorze aventuriers de Deep Time vont se confiner volontairement dans une grotte
Quatorze personnes coupées du monde, pendant quarante jours. Pas de lumière naturelle, pas de smartphone ni de montre. Hors du temps. Voici l’expérience Deep Time, qui commencera le 14 mars à 20 h dans la grotte de Lombrives, à Ussat-les-bains, en Ariège. L’expédition, surveillée depuis l’air libre par une trentaine de scientifiques, sera menée par l’explorateur-chercheur franco-suisse Christian Clot, à la tête du Human Adaptation Institute. «L’objectif est de répondre à des questions sur le confinement qu’on a tous vécu, explique Stéphane Besnard, spécialiste de neurophysiologie au CHU de Caen, qui coordonnera les différentes études. L’être humain est façonné par trois paramètres : la gravité terrestre, l’oxygène et la lumière. On va enlever la lumière naturelle, mais aussi tout repère temporel et réduire les interactions sociales à un groupe. C’est un confinement très sévère.» Les six femmes et huit hommes, âgés de 29 à 50 ans et en bonne condition physique et psychique, évolueront dans trois espaces à la lumière d’une frontale : une « zone dodo», une «zone de vie» et une «zone scientifique ».
Sauf problème médical, les confinés n’auront aucun contact avec l’extérieur.
Faute de notion du temps, chacun devra trouver son rythme pour jongler entre périodes d’activité et de repos. Les dimensions de Lombrives, qui s’affiche comme la «plus vaste grotte d’europe», conviennent particulièrement à l’opération. «Cela permet un véritable isolement, d’autant qu’il faut une heure de marche pour se rendre sur le site, reprend Stéphane Besnard. Lombrives présente différentes salles, pour pratiquer des expériences ou des activités physiques. Et l’évacuation est facile.» Toutefois, sauf problème médical, ces aventuriers de la science n’auront aucun contact avec l’extérieur au cours d’une expérience unique au monde par le nombre de ses participants et la richesse des équipements technologiques utilisés. Etude du corps (rythme biologique, sommeil…), analyse du cerveau (capacité à prendre des décisions, à s’orienter), mesure des émotions ou des interactions entre les individus… Aventuriers et scientifiques ne vont pas chômer pendant Deep Time, qui doit trouver des applications dans les longues expéditions spatiales, la vie en milieu hostile (expéditions polaires par exemple) ou encore les missions confinées, en sous-marin notamment. «C’est un vrai challenge technologique, indique Stéphane Besnard. On va aussi développer des logiciels applicables rapidement au milieu médical. Par exemple, les premiers signes de la démence, comme Alzheimer, sont une perte de repères du temps et de leur espace que l’on dépiste trop tardivement… » Les 14 équipiers sortiront de Lombrives le 22 avril. En espérant qu’ils ne quittent pas leur grotte pour un nouveau confinement, en plein air cette fois.