Le cinéma sabordé par le piratage des films primés
Les films récompensés dimanche avaient déjà été largement partagés en France. Quelles en sont les conséquences?
Pas sortis en salles et pourtant déjà vus. Nomadland, de Chloé Zhao, et The Father, de Florian Zeller, ont triomphé aux Oscars dimanche (lire ci-dessous). Mais ils ont déjà été découverts par les internautes français, dans la plus parfaite illégalité et, apparemment, très facilement.
Or, contourner les règles afin de voir des films que l’on ne devrait pas pouvoir visionner, « c’est purement et simplement du vol, s’étrangle le distributeur Jean Labadie. Un vol que les gens assument d’une manière de plus en plus décomplexée, alors qu’il ne leur viendrait pas à l’idée d’emporter des produits d’épicerie sans les payer ! »
«Je n’ai pas envie d’attendre»
« Le piratage a toujours existé, s’amuse Frédéric, 55 ans [son prénom a été changé, comme ceux des autres témoins]. Depuis l’invention du cinéma, des gens resquillent pour entrer sans payer. C’est le propre du cinéphile passionné que d’essayer de gruger. »
Parmi les internautes interrogés par 20 Minutes, deux types de pirates se dégagent : ceux qui téléchargent des gros films tels Wonder Woman 1984 ou Godzilla vs Kong, et ceux qui cherchent des oeuvres plus confidentielles. «Je ne télécharge que des séries B qui ne sont pas disponibles en France, précise Jean-philippe, 37 ans. Le Web est une immense cinémathèque qui permet de dénicher des oeuvres qui auraient pu disparaître. C’est aussi une façon de préserver le patrimoine.»
«Je pirate parce que je n’ai pas envie d’attendre, assure Virginie, 25 ans, qui ne télécharge que des films récents. On parle de Nomadland depuis des mois sur les réseaux sociaux et je ne voulais pas rester à la traîne.» Mais c’est toute la filière du cinéma qui va y perdre, jusqu’au spectateur lui-même. « C’est l’ensemble du système qui souffre du manque à gagner, insiste Jean Labadie. Une partie du prix du ticket de cinéma est prélevée pour être réinvestie dans des productions françaises. » Sans films, pas de tickets, et sans tickets, pas de films…