« “Benedetta” est un film qui peut provoquer la controverse »
Elle joue le rôle passionnant d’une femme promise au couvent dès l’enfance, et qui va connaître le plaisir avec une autre femme, décuplant sa foi et sa soif de pouvoir. Une nonne inspirée d’une histoire vraie qui vaut à Virginie Efira d’être la tête d’affiche de Benedetta, de Paul Verhoeven. Le film est présenté en compétition au Festival de Cannes ce vendredi.
Benedetta devait être projeté à Cannes l’an dernier… Comment avez-vous vécu cette attente ?
Je commençais à me dire que
Benedetta était une oeuvre maudite ! C’est une bonne chose qu’il passe enfin à Cannes, car c’est un film singulier qui peut déclencher une controverse. C’est merveilleux d’avoir pu trouver de l’argent pour faire un film aussi libre. Paul Verhoeven vous a-t-il confié qu’il pensait à vous pour le rôle de Benedetta ?
Pas du tout. J’étais dans l’étonnement total. Paul Verhoeven fait tellement partie de mon panthéon personnel que je n’aurais jamais imaginé obtenir un premier rôle avec lui. Prendre la suite d’Isabelle Huppert et de Sharon Stone, ça fait quelle impression ?
C’est devenir une héroïne de Paul qui me faisait rêver, car il met très souvent des femmes au centre de ses récits. Ses héroïnes cherchent à s’affirmer dans des univers cruels régis par des hommes. Et elles n’hésitent pas à prendre leur sexualité en main sans laisser les mecs décider de tout. Ce sont des thèmes qui me parlent. Quelle a été votre réaction à la lecture du scénario ?
Je suis tombée en arrêt : c’est complètement le cinéma que j’aime. Un film au contenu oblique avec un personnage merveilleusement complexe. Il y avait tant de choses à faire pour donner tout son relief à Benedetta, tant de niveaux de lecture à faire apparaître. J’ai trouvé une dimension philosophique très puissante dans cette histoire, mais aussi beaucoup d’humour.
Cela m’a immédiatement réjouie parce que j’y retrouvais tout ce que j’admirais tant chez Paul Verhoeven. Avez-vous voulu faire de Benedetta un ange ou un démon ? J’avais besoin que le personnage soit le plus sincère possible, qu’elle soit dure, mais touchante, surtout dans sa découverte du désir, du sexe et du plaisir qu’elle va utiliser comme des armes. Une fois qu’elle a joui, elle ne se sent plus péter ! Elle se sent l’épouse de Jésus au point de finir par penser qu’elle est Dieu…
Comment Paul Verhoeven vous a-t-il dirigée pour donner corps au personnage ?
Paul m’a laissé une grande liberté en me disant que je savais ce que j’avais à faire. J’ai donc travaillé avec un coach pour bâtir la psychologie de Benedetta, essayer de la comprendre. Paul a ensuite filmé le personnage comme il le souhaitait. Il avait envie de jouer sur l’ambiguïté de Benedetta. Il avait besoin de ma sincérité pour cela. Les scènes de sexe ont-elles été difficiles à tourner ?
Paul sait que les scènes de nu trouvent leur intérêt dans ce qu’elles révèlent des rapports entre les personnages. Ces scènes ne me gênent pas dès lors que tout est répété et encadré. J’avoue sans fierté avoir suivi une cure de remise en forme avant de les jouer. Moi qui aime voir des corps différents à l’écran, j’ai choisi de normaliser le mien. Je ne voulais pas passer le tournage en apnée à rentrer mon ventre, en me sentant mal à l’aise. Ce qui est drôle dans le tournage de ces scènes, c’est que, parfois, tu crois que tu vas t’évanouir, parce que la pudeur te prend au débotté. Ça finit toujours par passer, mais ce sont de drôles de voyages. Comment voyez-vous la suite de votre carrière ?
Depuis quelques années, j’ai eu la chance de croiser des cinéastes exceptionnels. Il est certain que ma rencontre avec Justine Triet pour Victoria [2016] a marqué une étape dans la façon dont les gens me perçoivent. C’est d’autant plus amusant que j’ai longtemps pensé que ma morphologie me limiterait à incarner des filles sympathiques. J’ai aussi eu ma période où je jouais des tarées auxquelles un psy aurait pu prescrire des traitements pour pathologie lourde ! Aujourd’hui, je suis ouverte à tout. Un film est un acte de foi, et j’attends de rencontrer des gens avec lesquels je partagerai la même croyance.
« J’avoue sans fierté avoir suivi une cure de remise en forme avant de jouer les scènes de sexe. Moi qui aime voir des corps différents à l’écran, j’ai choisi de normaliser le mien. »