Pour les seniors, il y a encore du boulot
Avant de parler de l’âge de la retraite, il faudrait rappeler que le taux d’emploi des 55-64 ans est faible en France
Derrière son calme apparent, Catherine oscille entre colère et défaitisme. À 59 ans, cette cadre a été remerciée le 31 décembre. « Être licenciée en étant senior, c’est un peu la double peine, raconte-t-elle. On se sent bien, on a l’impression de pouvoir être utile, mais la société vous dit : “Bah non, t’es un vieux croûton, tu ne sers plus à rien.” C’est dur. » Lundi matin, Catherine participait avec cinq autres personnes à un atelier organisé par l’Apec pour « valoriser les atouts de son expérience senior ». Tous ont occupé des postes de premier ordre, ont aidé leur boîte à grandir. Tous se retrouvent aujourd’hui en difficulté. Un rapport sur « le maintien en emploi des seniors », remis au Premier ministre début 2020, affirme que la France est l’un des pays d’Europe qui ont le moins encouragé « le vieillissement actif et l’approche intergénérationnelle » dans les entreprises. Le résultat de décennies passées à inciter les gens à partir plus tôt (lire l’encadré). « Dans d’autres pays, les seniors sont parfaitement intégrés, indique Martine Erhard, la consultante de l’Apec en charge de l’atelier sur l’expérience senior. Avec l’avancée progressive de l’âge de départ, on a mis la question de l’emploi senior sous le tapis. Il va falloir réfléchir globalement, et questionner beaucoup de choses, notamment la culture RH. »
Lutter contre les « stéréotypes »
« Les personnes de 60 ans possèdent un dynamisme et un éveil mental qui ne sont pas ceux des anciennes générations, soutient Emeric Lebreton, président d’Orientaction, leadeur sur le marché des bilans de compétences. Mais c’est comme si ça n’avait pas été intégré par le milieu du travail. » Dans le rapport remis à Matignon sont proposés le renforcement de l’investissement en formation à partir de la mi-carrière et la remise en cause de nos représentations liées à l’âge. « Les seniors doivent faire face à des stéréotypes qui ont la vie dure chez les employeurs, explique Jean-Charles de Fouchier, président du cabinet de recrutement Perfhomme. Ils les voient comme des personnes moins dynamiques, avec qui ils ne pourront pas construire une relation dans la durée, etc. » Des clichés qu’il tente de déconstruire. L’objectif est notamment de faire comprendre aux seniors qu’ils ont de nombreuses qualités à faire valoir, comme la gestion de situations complexes, l’intelligence émotionnelle ou la capacité d’analyse. Tous ces soft skills si précieux pour l’équilibre d’une entreprise.