Climat de douce rebellion chez les scientifiques
Pour alerter sur la crise environnementale, des chercheurs utilisent la désobéissance civile
Peter Kalmus a changé sa bio Twitter. À côté de « scientifique du climat » à la Nasa, il a ajouté « Arrêté pour avoir protégé la Terre ». Le 6 avril, le chercheur américain s’est enchaîné à la porte d’entrée d’un immeuble de JPMorgan Chase, à Los Angeles, pour enjoindre la banque à stopper ses investissements dans les projets fossiles. « Je suis ici parce que les scientifiques ne sont pas écoutés, je voulais prendre ce risque pour notre magnifique planète, pour mes fils, expliquait-il. Nous courons à la catastrophe. »
« La gravité de l’urgence climatique »
Ce même jour, d’autres actions similaires ont eu lieu, à l’appel de Scientist Rebellion. Ce collectif informel et international de scientifiques et académiciens se dit convaincu de la nécessité d’« exposer la réalité et la gravité de l’urgence climatique et écologique en s’engageant dans la désobéissance civile non violente ». Scientist Rebellion recense plus de 1 000 activistes dans 25 pays à s’être mobilisés le 6 avril, du Rwanda à l’Équateur.
En France, une action s’est tenue à Paris le 9 avril au Museum national d’histoire naturelle. Une vingtaine de scientifiques se sont installés au pied des fossiles disparus, jusqu’à s’attacher au support de celui du mammouth pour trois d’entre eux. « L’idée était de ne surtout pas empêcher le public d’entrer, mais de leur proposer des conférences sur les enjeux climatiques et de biodiversité, raconte Olivier, l’un des participants.
Nous avons été délogés au bout de quatre heures par la police. »
Si on remonte à mars 1972 et au rapport de Dennis Meadows, qui interrogeait sur les limites de la croissance, voilà cinquante ans que les scientifiques tentent d’alerter sur les crises environnementales. « Il ne s’est pas passé grand-chose, commente Olivier. D’où cette idée d’ajouter aux moyens classiques de transmission du message scientifique des nouveaux, dont la désobéissance civile non violente. »
Scientist Rebellion regrette que l’opinion publique et la presse perçoivent « les militants comme des extrémistes qui réagissent de manière excessive ». Mais si des scientifiques s’y mettent, alors « vous ne pouvez pas nous ignorer comme une bande de hippies », reprend le collectif.
Pour Xavier Capet, océanographe à l’Institut Pierre-Simon Laplace, c’est aussi le coeur qui parle : « C’est toute la force du discours de Kalmus. Il prend aux tripes parce qu’il y exprime toute sa détresse. » Pour lui, Scientist Rebellion « casse l’image qu’ont véhiculée par le passé des personnes, consistant à dire que les climatologues, par leurs alertes, cherchaient surtout à obtenir des financements et à tirer la couverture à eux ».