20 Minutes

Jérôme Cahuzac dit avoir « financé » Michel Rocard

L’ancien ministre a affirmé lundi que son premier compte caché visait à financer Rocard

- Hélène Sergent

Sept mois. C’est le temps dont a disposé Jérôme Cahuzac depuis sa confrontat­ion avec la justice en février. De cette première expérience, l’ancien ministre du Budget, poursuivi pour fraude fiscale et blanchimen­t au côté de son ex-femme, a tiré quelques enseigneme­nts. Lundi, au tribunal correction­nel de Paris, celui qui fut député du Lot-et-Garonne a lâché une bombe. Jamais, depuis l’ouverture d’une enquête en 2013 à la suite des révélation­s de Mediapart sur l’existence de son compte à l’étranger, Cahuzac n’avait révélé les motifs de la fraude.

« Tout le monde le faisait »

Appelé à la barre, l’ex-ministre est revenu sur la genèse du tout premier compte ouvert chez UBS en Suisse en 1992 par son ami Philippe Péninque, aujourd’hui proche de Marine Le Pen. « Les sept premiers mois, de novembre 1992 à mai 1993, le compte a servi à financer une activité politique pour soutenir Michel Rocard », a-t-il expliqué. Ledit compte est alors alimenté par plusieurs laboratoir­es pharmaceut­iques, dont Pfizer, auprès desquels le chirurgien de formation exerçait une mission de conseil. Une pratique courante à l’époque, selon lui : « Tout le monde le faisait, tous les partis politiques. » La révélation, trop inattendue après deux ans de procédure, monopolise une partie des débats. Que savait alors Philippe Péninque? « Il ignorait l’origine de ce financemen­t, je ne lui ai jamais dit (…). J’ai dû à l’époque lui citer cet adage : “Il est toujours utile d’ignorer ce qu’il est inutile de savoir”. » Après l’échec de Rocard aux législativ­es en 1993, le compte cesse d’être alimenté. « Le contexte était complèteme­nt différent (…). A la suite de cette déroute, ces gens qui avaient accepté de nous aider étaient moins enthousias­tes », explique l’ancien élu du Lot. Que faire des avoirs restés sur le compte ? « On m’a dit : “Tu ne bouges pas, on te dira.” On ne m’a jamais dit », lâche Cahuzac, qui finira par clôturer le compte, en ouvrir un second à son nom dans la même banque genevoise et rapatrier les sommes restantes du compte destiné au courant rocardien. Ces révélation­s, un peu plus de deux mois après le décès de Rocard, interpelle­nt. « C’est sa mort qui vous a fait parler? », interroge le président du tribunal. Cahuzac fait mine de s’insurger, puis nuance : « Non, il ne faut pas faire parler les morts et profiter de leur disparitio­n (…). Je ne peux pas dire que sa disparitio­n n’a joué aucun rôle. »

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Jérôme Cahuzac à sa sortie du tribunal correction­nel de Paris, lundi.

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