Les femmes au combat
Une soixantaine de femmes sont actuellement mises en examen dans des dossiers de filière djihadiste. Certaines, «aux profils inquiétants», étaient prêtes à passer à l’acte.
Les autorités françaises ont-elles sous-estimé le rôle joué par les femmes dans la mouvance djihadiste? Le procureur de la République de Paris, François Molins, le reconnaissait à demi-mot dans une interview accordée au Monde le 2 septembre : « On a peut-être été trop scrupuleux au début en se disant que les femmes suivaient leur mari et se cantonnaient à des tâches ménagères en Syrie. » Après l’interpellation de trois jeunes femmes à Boussy-SaintAntoine (Essonne) dans le cadre de l’enquête sur la voiture chargée de bonbonnes de gaz, la question de l’implication de femmes dans des actions terroristes est relancée. Une soixantaine sont actuellement mises en examen dans des dossiers de filières djihadistes ou de projets d’attentats, dont des mineures aux « profils très inquiétants », indiquait le procureur. Plusieurs cas ont été révélés cet été, comme celui d’une adolescente de 16 ans originaire de Melun, mise en examen et écrouée alors qu’elle se disait prête à commettre un attentat sur la messagerie sécurisée Telegram.
Un phénomène sous-estimé
Pour Béatrice Brugère, secrétaire générale du syndicat FO-Magistrats et ancienne juge antiterroriste contactée par 20 Minutes, le rôle des femmes a été clairement « sous-estimé » : « On s’aperçoit qu’on a sans doute eu une mauvaise appréciation. Les femmes sont de plus en plus impliquées, elles sont de plus en plus jeunes et aussi motivées que les garçons. On a peutêtre été victimes de nos propres préjugés selon lesquels la femme serait moins violente que l’homme. » Une analyse partagée par François Molins : « Daesh entend faire des femmes des combattantes », a-t-il lancé lors de sa conférence de presse vendredi. Dans un rapport publié en août dans les Cahiers de l’institut religioscope, Olivier Moos, docteur en histoire contemporaine de l’Université de Fribourg et à l’EHESS, écrivait : « La femme peut prendre en main sa propre vie similairement aux hommes et participer à la restauration du Califat en épousant un djihadiste […], se délivrer des maux d’une vie occidentale et s’assimiler à une nouvelle solidarité féminine, baignant dans la piété, au service d’une cause transcendante qu’elles peuvent soutenir activement. » En juillet, Europol faisait état de 128 femmes arrêtées en 2015 pour des activités de terrorisme djihadiste. Elles étaient 6 en 2013.