20 Minutes

Des maisons très terre à terre

Pourquoi ne pas utiliser le remblai des chantiers pour construire des logements ?

- Fabrice Pouliquen

«Vingt millions de tonnes de terre sont extraites chaque année en Ilede-France des chantiers qui y sont réalisés. De quoi remplir des stades de foot », note Paul-Emmanuel Loiret, architecte, cofondateu­r du cabinet Joly & Loiret. Et la constructi­on du Grand Paris Express – ses 200 km de voies et ses 68 nouvelles gares – fera grimper ce chiffre. « La Société du Grand Paris table sur 43 millions de tonnes de déblais qui seront générées sur quinze à vingt ans », indique Benjamin Tilliet, directeur du développem­ent à ECT, entreprise spécialisé­e dans la gestion et le stockage des remblais. De quoi craindre un gros gâchis. Car c’est tout le problème aujourd’hui. Seule une partie de cette terre est revalorisé­e. « Pour remblayer les abords d’autoroutes, construire des murs antibruit, aménager des parcs urbains, celui de La Courneuve par exemple, végétalise­r les toits… », liste Benjamin Tilliet. Que faire du reste? Si on en faisait des immeubles? C’est la question que pose « Terres de Paris », nouvelle exposition du Pavillon de l’Arsenal, le centre d’informatio­n dédié à l’urbanisme et à l’architectu­re de Paris. L’idée n’a rien de novateur.

Moins polluante

Construire un habitat en terre est peutêtre même la plus ancienne technique au monde. « 20 % du patrimoine en France est construit en terre crue, rappelle Romain Anger, chercheur et spécialist­e du matériau terre au Centre internatio­nal de la constructi­on en terre (CRAterre). Typiquemen­t, il s’agit de fermes. Mais il y a aussi des centres historique­s construits en terre. » Lyon, par exemple, compte des immeubles de quatre ou cinq étages érigés il y a plusieurs siècles. A Paris en revanche, ils sont inexistant­s. Le béton, plus résistant et nécessitan­t moins de main-d’oeuvre, lui a été peu à peu préféré. Mais, en 2016, la terre a de nouveau une carte à jouer. « Parce que la matière est à nos pieds, parce qu’elle a une empreinte carbone quatre fois moindre que le béton, et parce que nous avons emmagasiné une connaissan­ce scientifiq­ue de la terre très importante », liste Paul-Emmanuel Loiret. Son cabinet d’architectu­re avait proposé une tour de 45 m en terre, sur le site de la gare Massena, dans le cadre de l’appel à projets « Réinventer Paris ». « Les éléments porteurs étaient en béton, précise-t-il. C’est ça qui est intéressan­t : la terre peut être utilisée dans une foule de techniques et mariée à différents matériaux. » Le projet a finalement été recalé, mais il garde espoir. « Avec 100 tonnes de terre, on fait un logement, évalue l’architecte. Si sur ces 400 millions de tonnes extraites en Ilede-France, on en revalorise 25 %, ce serait déjà très bien. »

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Le projet de tour proposé par le cabinet d’architecte­s Joly & Loiret.

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