Des maisons très terre à terre
Pourquoi ne pas utiliser le remblai des chantiers pour construire des logements ?
«Vingt millions de tonnes de terre sont extraites chaque année en Ilede-France des chantiers qui y sont réalisés. De quoi remplir des stades de foot », note Paul-Emmanuel Loiret, architecte, cofondateur du cabinet Joly & Loiret. Et la construction du Grand Paris Express – ses 200 km de voies et ses 68 nouvelles gares – fera grimper ce chiffre. « La Société du Grand Paris table sur 43 millions de tonnes de déblais qui seront générées sur quinze à vingt ans », indique Benjamin Tilliet, directeur du développement à ECT, entreprise spécialisée dans la gestion et le stockage des remblais. De quoi craindre un gros gâchis. Car c’est tout le problème aujourd’hui. Seule une partie de cette terre est revalorisée. « Pour remblayer les abords d’autoroutes, construire des murs antibruit, aménager des parcs urbains, celui de La Courneuve par exemple, végétaliser les toits… », liste Benjamin Tilliet. Que faire du reste? Si on en faisait des immeubles? C’est la question que pose « Terres de Paris », nouvelle exposition du Pavillon de l’Arsenal, le centre d’information dédié à l’urbanisme et à l’architecture de Paris. L’idée n’a rien de novateur.
Moins polluante
Construire un habitat en terre est peutêtre même la plus ancienne technique au monde. « 20 % du patrimoine en France est construit en terre crue, rappelle Romain Anger, chercheur et spécialiste du matériau terre au Centre international de la construction en terre (CRAterre). Typiquement, il s’agit de fermes. Mais il y a aussi des centres historiques construits en terre. » Lyon, par exemple, compte des immeubles de quatre ou cinq étages érigés il y a plusieurs siècles. A Paris en revanche, ils sont inexistants. Le béton, plus résistant et nécessitant moins de main-d’oeuvre, lui a été peu à peu préféré. Mais, en 2016, la terre a de nouveau une carte à jouer. « Parce que la matière est à nos pieds, parce qu’elle a une empreinte carbone quatre fois moindre que le béton, et parce que nous avons emmagasiné une connaissance scientifique de la terre très importante », liste Paul-Emmanuel Loiret. Son cabinet d’architecture avait proposé une tour de 45 m en terre, sur le site de la gare Massena, dans le cadre de l’appel à projets « Réinventer Paris ». « Les éléments porteurs étaient en béton, précise-t-il. C’est ça qui est intéressant : la terre peut être utilisée dans une foule de techniques et mariée à différents matériaux. » Le projet a finalement été recalé, mais il garde espoir. « Avec 100 tonnes de terre, on fait un logement, évalue l’architecte. Si sur ces 400 millions de tonnes extraites en Ilede-France, on en revalorise 25 %, ce serait déjà très bien. »